Lysandre Videl - Time Out.

Videl Lysandre
L'Histoire est un fleuve, dont les méandres tragiques sont remués par les bouleversements du Temps.

★ Nom : Videl ★ Prénom : Lysandre ★ Surnom : - ★ Age : 25 ans ★ Sexe : Homme ★ Où habites-tu ? : Paris ★ Activité : Officier de Police

Ton histoire...

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♠ Description Physique : Lysandre culmine un peu en-dessous du double mètre, et présente une silhouette mince et finement taillée, comme en filigrane. Cette morphologie, loin d'être atypique, s'éloigne toutefois de l'archétype du colosse que la nature aurait prédisposé à la brutalité physique. On a plutôt affaire à un grand homme élancé, dont la droiture du maintien témoigne de la rigueur qui le gouverne, ainsi que de la haute idée qu'il a de lui-même.

Malgré ses traits graciles, il a le visage anguleux, presque émacié, dont le caractère viril écarte un aspect androgyne qui n'aurait pas manqué de dominer le cas échéant. Une tignasse blonde en bataille coiffe cette figure aiguë, et s'arrête au niveau des joues. Celles-ci ne restent jamais longtemps parsemée de leur ornement pileux : le port de la barbe, pour Lysandre, est une négligence en inadéquation avec son hygiène de vie.

Ce visage est particulièrement expressif : le jeune homme pourrait parfois presque se passer d'ouvrir la bouche pour communiquer. Ce qui en ferait un bon acteur, capable de simuler la joie aussi bien que la colère, de passer de l'un à l'autre sur commande, jusqu'à mimer l'indifférence la plus neutre.

Par-delà son menton prononcé, des lèvres charnues sont directement positionnées sous son nez, long et fin. Sous ses yeux s'étirent des cernes ténues, marques non pas d'un manque de sommeil régulier, mais de sommeil réparateur. Depuis qu'il est Voyageur, Lysandre vit ses nuits avec véhémence, et dormir le repose moins qu'il ne l'a jamais fait. Toutefois, ces demi-cercles ternes soulignent son regard bleu sombre très intense dont les sourcils clignent peu.

Sa peau claire, sans être diaphane, contraste régulièrement avec les vêtements sombres que Lysandre porte près du corps. Hormis le gris et le noir, les couleurs froides telles que le violet ou le bleu sont les seules excentricités qu'il accorde à sa garde-robe. Dans le monde réel, d'abord par nécessité professionnelle mais aussi pas goût personnel, il arbore une palette de costumes taillés sur mesure. Il possède également tout une batterie de vêtements sobres et citadins, du pull en col v à la chemise anthracite, des jeans de marque au chino impeccablement repassé, des paires de Richelieu aux bottines de cuir.

Dans Dreamland, son style est similaire, bien qu'un peu plus libre. Sombre, sa tenue s'accorde avec de longs manteaux, et il porte une chaîne d'argent au poignet gauche. A la manière d'un Totem, elle symbolise pour lui son lien terre-à-terre indéfectible avec le monde réel.

♠ Caractère : Découvrir Dreamland a changé de manière fondamentale un certain nombre de conceptions de Lysandre. D'abord parce que venir à bout d'une phobie qui empoisonne l'existence modifie radicalement la structure de celle-ci. Mais aussi parce qu'un univers aussi libre attribue une tout autre dimension au terme "impunité". Il considère le monde réel comme primordial par rapport au monde onirique. De fait, tuer un Voyageur n'est pas un réel meurtre, puisque l'humain en question redevient un Rêveur et continue de vivre son existence réelle sans le moindre souci, à quelques souvenirs près. Tuer une créature, en pratique, ne poserait pas davantage de problèmes, dans la mesure où elles sont les créations des humains, et qu'elles n'ont pas d'existence propre en dehors de la psyché humaine.

Dreamland est aussi pour lui un moyen de se libérer de la rigueur morale qu'il s'impose au quotidien, lorsqu'il ne participe pas à une quelconque soirée. Car dans la réalité, Lysandre est quasiment rigide. Il se lève tous les jours très tôt, peu importe l'heure à laquelle il s'est couché la veille. Cette habitude a été prise au cours des longues années où il fuyait le sommeil, pour éviter les cauchemars et ne pas perdre la moindre minute de sa vie. Même si la course du temps ne lui fait plus peur, il lui est difficile de se détacher de ses vieux réflexes.

Cette rigueur s'accompagne d'un certain nombre de totems et de rituels journaliers : jamais moins de deux douches par jour, un jogging dominical systématique, des repas à heure fixe, jamais de grignotage, ou bien trois brossages de dents par jour, constituent autant de coutumes ancrées dans son quotidien. Lorsqu'il arrive au Quai des Orfèvres et qu'il s'assied derrière son bureau, il entre dans une bulle et travaille avec assiduité jusqu'à ce qu'il ait fait son temps. Il a la chance d'aimer les enquêtes de la brigade des mœurs, sa carrière et les efforts à fournir pour y progresser ne lui paraissent donc pas rébarbatifs.

Lysandre, et c'est probablement sa plus grande faiblesse, est particulièrement égocentrique. Il a une haute conception de ce qu'il est, des personnes qu'il côtoie et de la progression de son existence. Très centré sur lui-même, il a la prétention de savoir mieux que tout le monde ce qui est bon pour le plus grand nombre. S'écarter de son mode de pensée revient à être catalogué comme un crétin, donc dans le meilleur des cas comme un clown. Dans le pire, et bien, vous pourriez rentrer dans son collimateur et devenir un obstacle.

Grand amateur d'Histoire et de Littérature, il conçoit les relations humaines et sociales comme un choc des ego permanent, une danse des individualités. Rien ne doit être immuable, tout doit bouger dans un perpétuel chambardement. L'immobilisme lui est insupportable et il apprécie être au cœur de ce qui se joue. Dreamland est un monde d'opportunités qu'il est prêt à saisir, loin de l'état de spectateur qu'il occupe en tant qu'officier de police dans la vie réelle. Mais cette situation, à travers ses deux dimensions, répond à son besoin friand d'intrigues à tiroirs et de mystères à élucider. Il cultive l'amour du secret, du stratagème et du complot.

Par extension, il déteste perdre et lorsqu'il joue, lorsqu'il entreprend quelque chose, c'est dans l'optique d'arriver au bout et de remporter la mise. Il ne fait jamais rien à moitié, et a tendance à planifier ses modes d'action. Cette opiniâtreté se retrouve dans son amour des femmes. Il les adore, et apprécie tout autant les séduire. C'est pour lui un jeu, une bataille, où chaque résistance percée est une petite victoire. On ne lui déniera donc pas une certaine maîtrise du verbe, ainsi qu'une aura somme toute magnétique.

Parcourir Dreamland pendant plusieurs mois lui aura mis en tête de renverser la dictature des Seigneurs et des Rois du monde onirique. Les rêves et donc les créatures doivent pour lui rester à leur place, celle de créations, et non de créateurs. Les Voyageurs, et dans une moindre mesure les Rêveurs, méritent selon lui les positions dominantes. Avec lui, dans la mesure du possible, en bonne place. C'est sa motivation première, il est donc prêt à tout mettre en oeuvre pour arriver à ses fins.

♠ Histoire : Lysandre est un jeune lieutenant de la police judiciaire parisienne. Membre de la brigade des mœurs, il est chaque semaine en charge des affaires de proxénétisme de la capitale. Les cas sur lesquels il enquête avec son équipe varient en terme de degré de sordidité. Cela fait tout juste deux ans qu'il a obtenu son grade, une année qu'il a intégré la mondaine, mais il en a vu de toutes sortes.

Du maquereau lambda qui passe à tabac sa meilleure gagneuse, au fils d'un patron du CAC 40 retrouvé en overdose après avoir honoré sa prostituée préférée, le jeune homme a parfois dû couvrir des histoires qui auraient pu provoquer de gros scandales. Il côtoie au quotidien des figures importantes de l'administration, des médias, de la police elle-même. Il provient lui-même d'un milieu aisé qui lui aura enseigné les codes et le style de vie des grandes élites.

Lysandre a grandi dans une famille issue des classes moyennes supérieures. Son père, Ulysse Videl, est professeur d'Histoire médiévale à la Sorbonne. Il est fraîchement nommé maître de conférences lorsqu'il rencontre sa mère, Marilyn Bradford, jeune étudiante anglaise de bonne famille. Il faut quelques semaines à peine pour que les deux se retrouvent sous les mêmes draps. Mais ce sont quelques années qui sont nécessaires pour qu'ils puissent vivre une histoire au grand jour, après avoir vaincu les difficultés de la distance, des règles universitaires et du regard social.

Ulysse et Marilyn s'unissent sous l'égide protestante et la loi française. Nul n'est dupe lors de la cérémonie, et les photos en témoigneraient pour des années : sous sa robe blanche de pureté, les rondeurs de la jeune mariée sont trop naturelles pour être innocentes. Et deux mois plus tard, naît Lysandre.

Le temps suit son cours : le nourrisson devient bambin, le bambin devient enfant, l'enfant finit pré-adolescent. L'environnement familial est propice à son développement. Il marche et parle très tôt, et ses classes de maternelle, puis d'école élémentaire se succèdent en une multitude d'acquis scolaires. Les livres laissés à travers la maison par le père intriguent le petit, qui s'éveille à une culture qui n'est pas celle de ses camarades. La mère quant à elle lui parle en anglais, et le gâte de compliments et de promesses d'avenir. Lysandre acquiert ainsi la confiance en soi.

L'attention portée par les parents construit chez l'enfant une ouverture sensorielle au monde et à son environnement. Ses lectures, son bilinguisme en devenir, sa culture historique et son ego se conjuguent en hypersensibilité. Lysandre aborde l'adolescence avec l'angoisse prématurée du temps qui passe. Dès les premières classes de collège, il prend conscience d'être malgré lui nostalgique d'une époque qu'il n'a fait qu'effleurer, et de périodes qu'il n'a même pas connu. Sans qu'il parvienne à définir clairement le sentiment qui le parcourt, son obsession s'aggrave à mesure que les années passent. Il finit par appréhender l'avenir à la manière d'un jeune adulte, et par concevoir le temps présent comme une chimère à poursuivre, à arrêter, dont il faut s'emparer.

Alors, pour saisir l'éphémère du moment, pour profiter d'une vie trop courte, Lysandre note chaque jour dans un carnet les événements qui l'ont marqué. Il échappe au sommeil, qui lui donne des cauchemars récurrents, alimente ses craintes, et le prive d'heures passées dans le réel du temps vécu. En parallèle, lorsqu'il commence le lycée, il boit, il fait la fête. Il perd sa virginité très tôt, et enchaîne les conquêtes à travers une course à l'expérience effrénée. La mort, qui lui fait peur pendant un temps, est peu à peu éclipsée par une enivrante sensation de jeunesse et d'immortalité.

Parallèlement à la prégnance de cette anxiété sournoise qui le pousse à se débrancher l'esprit de son temps libre, il est un étudiant sérieux. Il réfléchit vite, pense bien, retient avec facilité. Il s'impose une discipline stricte, à travers une hygiène de vie méthodique, réglée comme du papier à musique. La confiance en soi laisse place à l'arrogance, à une sensation de supériorité.

Les lendemains de soirée, lorsque sa tête menace d'exploser et que les courbatures le font grimacer, la phobie revient, et l'empoisonne. Entre rigueur quotidienne et fuite du temps qui passe, il trouve un équilibre ambivalent. Il est convaincu qu'il voit plus loin que les autres, qu'il comprend mieux le monde que les autres, qu'il est meilleur que les autres. Dès lors, ceux qui ne pensent pas comme lui sont forcément des crétins.

A l'issue du lycée, il entame des études de Droit, et les poursuit jusqu'à l'obtention du Master. Il enchaîne d'une part travail et résultat, et d'autre part fêtes et conquêtes. Après quoi il choisit d'intégrer les forces de l'ordre en devenant officier de police, meilleur moyen pour lui de laisser s'exprimer sa rigueur morale. Désormais indépendant, il réalise un emprunt pour acheter un appartement dans la capitale. Il accède rapidement à la police judiciaire sur concours interne, et finit à la brigade mondaine où les histoires sordides s'enchaînent.

L'une de ses affaires lui fait croiser la route d'une prostituée. Cette rencontre bouleverse radicalement ses conceptions. La jeune femme s'appelle Aurore. Elle est dans le circuit depuis quelques mois à peine, et a pourtant tout juste quatre ans de moins que lui. Sans famille, abandonnée par ses amis, elle a décroché des études : ce travail est son seul moyen de subsistance.

Témoin capital d'une histoire de règlements de compte entre proxénètes ayant causé la mort de deux filles, elle est amenée à son bureau en plein après-midi, alors qu'il est plongé dans la rédaction d'une procédure. Terriblement séduisante, elle arbore une longue chevelure rousse, et son profond regard d'émeraude lui coupe le souffle. Il prend son témoignage, peinant à détacher ses yeux de son interlocutrice, et c'est à la fin de leur entretien que survient l'échange le plus important de la vie du jeune homme. Un échange qui lui fait découvrir un tout autre monde la nuit-même.

Ton histoire onirique...

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♠ Dreamland : "On vous raccompagnera à la sortie, déclara Lysandre à Aurore. N'hésitez pas à me contacter si la moindre information supplémentaire vous vient à l'esprit. Votre aide est précieuse.
- Avant de partir, je peux vous poser une question, lieutenant ? Demanda-t-elle de sa voix envoûtante.
- Je vous en prie.
- Pourquoi les hommes font-ils ça ?
- Je ne suis pas vraiment sûr de vous suivre.
- Vous êtes tous animés par la même rage intérieure. Pour bâtir, vous détruisez. Pour séduire, vous violentez. Pour avancer, vous piétinez. Deux de mes amies sont mortes parce que deux hommes se sont disputés un bout de territoire comme deux chiens se disputent un morceau de viande. Avant d'en arriver là, j'ai un peu étudié l'Histoire, vous savez. Et rien ne change. Les bouleversements du temps ne font que suivre une même direction. Les hommes se déchirent, et les femmes en subissent les conséquences."

Le jeune homme, de nouveau sans voix, ne sut pas quoi répondre à son interlocutrice. Il resta donc silencieux, à observer ses prunelles d'émeraude sans réponse à lui fournir. Aurore lui adressa un sourire, puis se leva et quitta son bureau sans ajouter un mot de plus.

Les propos de la prostituée occupèrent l'esprit de Lysandre tout le reste de la soirée, à tel point qu'il en devint incapable d'accomplir son travail correctement. Il quitta son poste plus tôt qu'à l'accoutumée et choisit de longer les quais de Seine pour chasser la présence de son esprit. Il savait être touché moins par les mots que par la jeune femme elle-même. Il avait rarement eu l'occasion de croiser une telle beauté. Mais au-delà de cette aura, subsistaient les propos : le temps possédait une dimension immuable. C'était l'évidence même, et jamais, pourtant, elle ne lui était venue à l'esprit.

Il retrouva quelques amis pour boire un verre, passa la soirée dans la distance, et ramena chez lui une inconnue pour passer la nuit avec. Tandis qu'il l'honorait de ses coups de reins, c'était l'image de la jeune femme rousse qu'il se figurait. Et lorsqu'elle roula finalement sur le côté, il se laissa bercer par le souffle qui soulevait la poitrine féminine à un rythme régulier. Pour la première fois depuis des années, il ne lutta pas contre le sommeil. Il s'endormit promptement.

Sa conscience s'éveilla à travers le cauchemar qui revenait avec le plus de récurrence depuis son enfance. Partout, autour de lui, sur un fond noir intemporel, planaient des horloges, des montres à gousset de formes et de tailles différentes, des chronomètres électroniques, faits de matériaux aussi divers qu'inconcevables. Tandis qu'il se tenait au centre de cette chrono-galaxie perdue dans la cacophonie des tic-tac de pendule, les aiguilles et les chiffres s'affolaient, tournaient dans tous les sens, défilaient d'avant en arrière, s'arrêtaient parfois. Au sein même d'une seule horloge, la trotteuse pouvait défiler dans un sens, et les minutes dans un autre.

Et, tandis que le temps devenait irrationnel, il voyait défiler sur des écrans des frises chronologiques colorées, des images d'inconnus à travers les âges, des vidéos d'autres époques, il se voyait vieillir et redevenir un embryon. Cette soupe indigeste d'informations lui donna le vertige, et à mesure qu'il sentait l'angoisse monter, son souffle s'accélérait.

Il finit par être littéralement absorbé par le cours du temps, et à voyager à travers les époques. Bondissant d'un XXIème siècle neuf au siècle d'Alexandre, de la préhistoire crétacée à l'aube d'un potentiel dix-huitième millénaire, il roula dans le précipice temporel. A la croisée des ères, il distinguait des créatures étranges aux oreilles pointues qui semblaient se jouer de lui et de sa nostalgie, mais elles disparaissaient bien vite et il ne comprit pas leur rôle.

Cette nuit et ce cauchemar étaient différents. Lysandre était pleinement conscient de son sort. Il avait bien entendu parler des rêves éveillés, mais il n'avait aucun contrôle sur ce qu'il subissait. C'était encore autre chose. Il n'aurait su dire quoi précisément, mais sa nature sensible prit le dessus et lui intima que se jouait, à travers ces péripéties éprouvantes, un tournant de sa vie. Alors, les paroles d'Aurore la prostituée résonnèrent dans l'instabilité temporelle de l'univers comme un coup de tonnerre : "Les bouleversements du temps ne font que suivre une même direction."

Lysandre écarquilla les yeux, et se dressa contre les remous qui le contraignaient à se rouler tel un fœtus. Écartant bras et jambes, affichant un air déterminé malgré le courant qui l'entraînait, il ouvrit la bouche et cria sa résolution :

"Stop !"

Brusquement, le flot ralentit, et le corps du jeune homme s'en trouva moins ballotté. Quelques créatures aux oreilles pointues apparurent devant lui en affichant un visage inquiet, avant de disparaître. Mais cette fois, il eu le temps de bien les percevoir, et de comprendre qu'elles opéraient dans l'ombre de son cauchemar.

"Stop !!"

Malgré la fébrilité qui persistait dans un léger tremblement, la voix de Lysandre dénotait une opiniâtreté nouvelle. On se jouait de lui, et cela le révoltait profondément. En réponse à sa vindicte, le fond noir intemporel reprit sa place, et à travers lui les horloges folles. Mais si le jeune homme se retrouvait de nouveau stable, les aiguilles et les chiffres continuaient de défiler, se faisant écho de sa peur la plus profonde. Alors, fermant les yeux et prenant son souffle, il décida d'en finir. Sur un ton calme et imperturbable, il ferma les yeux et prononça distinctement, sans précipitation :

"Stop."

Le tic-tac s'arrêta. Lorsqu'il rouvrit les yeux, les aiguilles et les chiffres s'étaient achevés eux aussi. Il tourna la tête à gauche, puis à droite, et put constater qu'un à un, les appareils de mesure du temps disparaissaient. Un à un, des plus éloignés au plus proches de lui, ils laissaient la place à la trame noire. Mieux encore, et de manière surprenante, son angoisse semblait avoir disparue. Le poison qui était né dans son enfance semblait s'être dissous.

Incapable de vraiment réaliser ce qui lui arrivait, Lysandre cligna des yeux dans le noir absolu. Une fois, deux fois. Au troisième clignement, il se retrouva subitement dans une espace métallique. Au centre, trônait un appareil électronique de grande envergure qui émettait des étincelles, des bips et des lumières à intervalles réguliers. L'endroit lui sembla familier. Il fit le tour de la pièce, et tomba finalement sur un individu en longue gabardine brune qui ne semblait pas faire attention à lui, l'esprit accaparé par quelques réparations. Le jeune homme, qui comprenait de moins en moins sa situation, attira son attention.

"Heu... Excusez-moi... ?
- Mh ? Bougonna le type en se retournant. Ho. Un nouveau Voyageur ? Fantastique ! Enchanté, je suis le Docteur. Comment est-ce que tu t'appelles ?
- Attendez, le Docteur... Commença Lysandre, incrédule. Vous ne voulez quand même pas dire que...
- Ha, je t'arrête tout de suite jeune homme, l'interrompit son interlocuteur. Je ne veux pas savoir si je ressemble à quelqu'un ou quelque chose que tu connais là d'où tu viens. On me l'a déjà faite. Je t'ai posé une question, la politesse voudrait que tu me réponde.
- Et bien, répondit l'officier de police, complètement déboussolé, je m'appelle Lysandre. Qu'est-ce qui s'est passé, je suis en train de rêver, ou... quoi ?
- Mon rôle consiste à vous orienter vers le Seigneur quand vous arrivez. Et ça implique de vous expliquer quelques bases et de répondre à vos questions. Bienvenue à Dreamland. Si tu es patient et que tu m'écoutes, on en aura vite fini."

Le nouveau Voyageur écouta donc ce que le Docteur avait à lui dire. Il reçut des explications sur ce qu'étaient Dreamland, les Voyageurs, les Rêveurs, les Créatures, les Pouvoirs. L'épreuve par laquelle il venait de passer était un cauchemar orchestré par les créatures du Seigneur du Temps, et il en avait triomphé, contre toute attente, en dépassant sa phobie profonde.

La première réaction du jeune homme fut de tout nier en bloc, de refuser l'existence d'un tel univers qui ne faisait à ses yeux aucun sens. C'était... une perte de temps. Mais, petit à petit, il réalisa que perdre du temps était relatif. Qu'il n'en avait plus peur, et que tout lui semblait trop réel pour être exclusivement onirique. Les paroles d'Aurore avaient permis qu'il se débloque de son anxiété. Il admit l'idée.

"Donc, Dreamland, conclut-il finalement, c'est une sorte de grand inconscient collectif conscientisé.
- Tes propos n'ont aucun sens pour moi. Mais j'imagine que ça doit être une explication plausible pour les humains. Quoiqu'il en soit, tu sais tout ce que tu dois savoir. Accroche-toi, on décolle pour la Grande Horloge."

Lysandre n'eut pas l'occasion de s'interroger, la carlingue métallique s'ébranla soudainement suite aux manipulations du Docteur sur l'appareil électronique central. Il trébucha et se retint à une rambarde. Les secousses durèrent quelques instants, après quoi les lieux se stabilisèrent. Le Docteur désigna une porte à double battants.

"Lorsque tu sortiras du TARDIS, tu n'auras qu'à aller tout droit. Le couloir te mènera directement à la salle du trône. Bon vent, Lysandre le Voyageur, on se reverra sûrement."

Le jeune homme acquiesça machinalement, et se dirigea vers la porte en question. Il poussa l'un des battants, et passa de l'autre côté. En face de lui s'étendait un grand couloir dont le murs étaient constitués de pierre, de métal et d'écrous qui tournoyaient sur leurs axes. Un bruit étrange retentit derrière lui, et en se retournant, il constata que l'appareil du Docteur était bien le TARDIS qu'il connaissait. La cabine de police disparaissait progressivement au rythme d'une sirène.

Lysandre s'avança donc dans le couloir, jusqu'à passer une arche qui le fit directement pénétrer dans une immense salle aux dimensions de cathédrale. Un trésor d'ingéniosité avait fait se déployer sur les murs des centaines et des milliers d'écrous, d'engrenages et de mécanismes tous connectés entre eux. Un puissant tic-tac résonnait sur les murs antiques, et un mince filet de lumière filtrait à travers la matière blanchâtre qui composait un immense cadran d'horloge au fond de la pièce. Non loin en contrebas, sur un trône fait d'aiguilles et de marqueurs, siégeait une imposante créature richement vêtue. A droite du trône, un autre homme se tenait debout, tout de noir vêtu. Au regard de ses oreilles rondes, Lysandre conclut qu'il s'agissait d'un Voyageur.

"Approche. Fit la créature en apercevant le jeune homme à l'autre bout de la pièce."

Sa voix était suave et fluette, presque féminine malgré son apparence manifestement masculine. L'intéressé s'exécuta et alla se positionner devant la créature. Le Voyageur lui jeta un regard froid et grinça d'une voix monotone :

"Agenouille-toi devant ton Seigneur.
- Laisse, intima la créature en exposant un sourire amusé. Bienvenue à toi, nouveau venu. Quel est ton nom ?
- Je m'appelle Lysandre. A qui ai-je l'honneur ?"

L'officier de police dressa un sourcil à l'intention du Voyageur. Ce dernier sembla tressaillir de rage.

"Je suis Chronos, reprit la créature, Seigneur Cauchemar du Temps et des Destinées de Dreamland. Et voici Verne, le plus ancien Voyageur du Temps de cette génération. Tu ferais bien de lui témoigner un peu de respect, son pouvoir est grand."

Chronos et Verne:

"Le Docteur t'a expliqué ce que tu fais parmi nous ?
- Je connais les grandes lignes.
- Vous êtes quelques-uns à vous être éveillés au cours des derniers mois. Pour l'heure tu es le dernier d'entre eux, mais je doute que tu le restes pour de bon. Les temps changent à Dreamland, c'est une aubaine pour nous qui sommes le Temps. Nos forces grandissent. Je vais te dire, Lysandre. Dans ton monde, tu vas bientôt te réveiller. Lorsque tu reviendras la nuit prochaine, je veux que tu explores la ville qui entoure la Grande Horloge. Il s'agit de Minuit, la capitale du Royaume. Puis le Docteur t'emmènera visiter la Première Zone. Je veux que tu t'imprègnes de ce qu'est Dreamland et que tu développes ce pouvoir qui est le tien. Car nous avons du travail, et toi et les autres en êtes des clefs de voûte. Nous reparlerons ensuite."

Comme si le Seigneur du Temps avait calculé les secondes de sommeil qui restaient à Lysandre, il avait déclamé sa tirade avec emphase. Le point final marqua le réveil du jeune Voyageur, qui n'eut pas l'occasion de se renseigner davantage. Tout au plus eut-il le temps de jeter un coup d’œil à Verne, dont le visage paraissait excédé, au bord de la rupture. En ouvrant les yeux sur le plafond de sa chambre, Lysandre s'aperçut qu'un immense sourire trônait fièrement sur ses lèvres.

A ses côtés dormait paisiblement sa conquête d'un soir. Totalement ignorante de ce qui était survenu au cours de la nuit pour son compagnon. A quoi pouvait-elle bien rêver de toute façon, si ce n'est aux étreintes torrides qu'ils avaient partagées ?

♠ Les chroniques d'un Baby : Visiter Minuit avait été une expérience extraordinaire. Tout au long de son deuxième passage dans Dreamland, Lysandre avait parcouru les artères de la gigantesque cité qui s'étendait aux pieds de la Grande Horloge. Celle-ci, vue de l'extérieur, était une immense tour au sommet de laquelle le cadran donnant sur la salle du Trône indiquait une multitude d'heures calquées sur les créneaux horaires humains.

La ville elle-même était le lieu de résidence de nombreuses créatures. Les plus nombreuses et les plus communes étaient les créatures du Temps, dont il avait eu un aperçu lors de son cauchemar. Elles ressemblaient un peu à leur Seigneur, avec leur peau sombre et leurs cheveux de cuivre. Mais d'autres, provenant de royaumes différents, sillonnaient les rues, les bars et les échoppes. L'endroit grouillait d'une diversité incroyable, et en discutant avec les uns et les autres, le Voyageur temporel en apprit davantage au sujet du fonctionnement de ce monde. En réalisant quelques tâches simples de livraison, il put participer à l'activité ambiante et gagna quelques essences de vie. Il fut soufflé de s'apercevoir que l'esprit humain avait pu donner vie à un univers à ce point si complexe et si abouti. Il n'en était alors qu'au début de ses découvertes.

Partie 1 : Ce monde nous appartient

La nuit suivante, sa dernière pensée avant de s'endormir alla au Docteur, puisqu'il se demanda comment ce dernier le retrouverait pour le conduire dans la fameuse Première Zone. Il s'éveilla à l'intérieur de la grande horloge, dans le couloir menant à la salle du trône. Il ne fallut pas longtemps pour que le TARDIS apparaisse devant ses yeux, et apprit donc sur le tas comment rejoindre dans Dreamland les individus qu'il connaissait. La créature poussa la porte du vaisseau et l'invita à entrer.

"Alors, où est-ce que je vais bien pouvoir t'emmener ? Demanda le Docteur en se dirigeant vers le moteur du TARDIS.
- A vous de me le dire.
- Mh... Ah ! Je sais. Accroche-toi, Lysandre le Voyageur !"

Quelques chambardements plus tard, le jeune homme sortit de l'appareil pour découvrir un petit village isolé dans la plaine. Lorsqu'il se retourna pour demander où il se trouvait, la cabine de police était déjà en train de disparaître. D'un haussement d'épaules, il se dirigea vers le hameau.

Lorsqu'il arriva en bordure des premières habitations, les créatures qui étaient là s'enfuirent à sa vue pour aller se réfugier à l'intérieur. Surpris mais curieux, le jeune homme continua sa route jusqu'à la taverne du coin. A chaque fois qu'il croisait une créature, celle-ci détalait. Et lorsqu'il poussa les deux battants de ce qui ressemblait à une porte de saloon, les discussions et les éclats de rire cessèrent immédiatement. Alors que tous les yeux se fixaient sur lui, il fit mine de ne pas y prêter attention et se dirigea vers le bar. Le patron, une créature ventripotente, était en train d'essuyer un verre.

"J'aimerais à boire.
- ... On veut pas d'ennuis, Voyageur, fit le type après un temps d'hésitation. Partez."

Lysandre dressa un sourcil.

"Ça tombe bien, je ne cherche pas les ennuis. Je cherche simplement à boire.
- Ici, on sert pas les Voyageurs. Alors partez, réitéra le barman sur un ton plus sévère."

Le jeune homme se tut, puis se retourna pour parcourir la salle du regard. Aux tables, toutes les créatures le fixaient intensément. Certains avec crainte, d'autres avec mépris ou haine farouche. Faisant de nouveau volte-face pour s'adresser au patron, il se retrouva nez à nez avec le canon d'un fusil pointé sur son visage. A l'autre bout se tenait un type à longs cheveux noirs, l'air amusé. Un Voyageur qui n'était pas là quelques secondes plus tôt.

"T'as entendu le monsieur ? Ce coin est sous ma protection. Dégage."

Derrière lui, l'officier de police entendit quelques personnes se lever brusquement de leur chaise et s'enfuir. Il perçut que d'autres restaient debout, probablement les plus déterminés à le rosser. Il fronça les sourcils. Il n'avait aucune idée de comment se servir de ce Pouvoir du Temps qui était censé être le sien, mais peut-être que c'était le moment de passer à l'action. En se remémorant l'avant-veille et sa capacité à arrêter la course du temps, il ferma les yeux et tenta de s'imprégner des mêmes sensations qui l'avaient alors parcouru.

Il pouvait percevoir le flux du temps comme s'il coulait dans ses veines, et cette sensation le grisait. Un léger sourire apparut sur le coin de ses lèvres et il tenta de moduler l'aura qui l'entourait à la manière de pseudopodes. Il sentit le temps courir sur ses mains. En face, le Voyageur sembla comprendre qu'il s'apprêtait à utiliser son pouvoir, puisque Lysandre perçut un léger grognement et entendit le cliquetis de l'arme.

A ceci près qu'aucun des sons qui parvenaient à ses oreilles n'étaient naturels. Ils étaient beaucoup plus grave, et s'étiraient à rallonge. En ouvrant les yeux, il s'aperçut qu'une étincelle s'échappait du canon à très lente vitesse, une détonation montait sourdement depuis le cylindre. Le type était réellement en train de tirer, quasiment à bout portant. Sauf qu'autour d'eux, le temps progressait différemment. Il était ralenti.

Lysandre, d'abord bluffé par son propre pouvoir, fut pressé par un sentiment d'urgence. Il s'écarta de l'arme, et à l'instant même où il fut hors de portée, le temps reprit son cours. Le revolver tonna dans un bruit d'accélération, et la balle alla percuter le sol. L'officier de police comprit qu'il n'avait ni suffisamment de puissance, ni suffisamment de maîtrise pour faire durer la chose plus de quelques instants, et qu'il avait frôlé d'y passer.

"Comment t'as pu éviter la balle ? S'enquit le Voyageur d'un air catastrophé.
- C'est quoi ton problème ? Fit Lysandre en ignorant superbement la question. C'est quoi le problème de ces créatures ?
- Ferme-la !"

Le type beugla et pointa à nouveau son arme dans la direction du Voyageur du Temps, qui cette fois n'eut pas l'occasion de réagir. Il ferma les yeux. La détonation retentit, et il pensa mourir. Mais rien ne vint. En rouvrant les paupières, il constata que la balle se trouvait à quelques centimètres de son visage, comme stoppée. Son adversaire, le visage décomposé par la rage, figé dans son mouvement. Un coup d’œil à la ronde lui apprit que tous les individus du bar étaient eux-mêmes en position de stase. Mais il n'était pas responsable.

"Le Seigneur a eu raison de m'envoyer, tu es incapable de te débrouiller seul."

L'officier de police connaissait cette voix. Il se retourna et afficha une mine de défi à celui qui venait de le sauver.

"Donc je dois te remercier, Verne ?
- Pas la peine, je fais simplement ce que Chronos me dit de faire, répondit le Premier Voyageur du Temps d'un ton exaspéré. Si ça ne tenait qu'à moi, je vous laisserais tous clamser dès votre arrivée dans Dreamland.
- Mais tu obéis sagement.
- La force du Seigneur dépasse ton entendement. Et nous lui devons nos Pouvoirs. Il va dans l'ordre des choses d'être loyal.
- Peu importe. Quel est le souci avec ce village ? Les créatures qui y vivent détestent les Voyageurs. Pourtant ce type disait être leur protecteur.
- Je ne sais pas, je ne connais pas tout Dreamland. Peut-être qu'ils ont subi des attaques de Voyageurs, et que celui-ci les a défendus. Beaucoup d'entre nous estiment que les créatures sont plus précieuses qu'eux-mêmes. Je n'irais pas jusque-là, mais il faut savoir qu'une créature qui meurt ici disparaît réellement. Alors que nous, nous ne risquons que de perdre les souvenirs liés à notre passage dans ce monde.
- Mais les créatures n'existent pas réellement. Elles sont le produit des rêves. Quelle différence ça peut faire ? Ce sont les Rêveurs et les Voyageurs qui sont les plus importants.
- Il n'en reste pas moins que ton existence ici dépend de Chronos, alors tu ferais bien de ne pas l'oublier. Viens avec moi avant que je ne laisse le temps reprendre son cours dans la zone, il est temps de partir."

Lysandre emboîta le pas de Verne, et tous deux traversèrent le village en sens inverse. Une fois suffisamment éloignés, le Premier Voyageur temporel se retourna et observa le hameau. Il sembla tressaillir un instant, puis plongea son regard dans celui de l'officier de police.

"Tu as eu de la chance, ce gars-là doit avoir à peine quelques jours de plus que toi d'ancienneté. Et il n'a aucun Pouvoir. Tu es faible. Toi et les autres, les derniers venus. Vous êtes tous faibles. Chronos a besoin de vous entiers pour les événements à venir. Il a voyagé dans le futur de Dreamland, il sait ce qui se prépare. Une armée de bras cassés ne lui sera d'aucune utilité.
- Et qu'est-ce qui se prépare ?
- Pour le moment tu n'as pas besoin de le savoir. Essaie juste de rester en vie jusqu'à ce qu'on fasse appel à toi."

Sans autre forme de cérémonie, Verne disparut sous les yeux de Lysandre, usant de toute évidence de son grand pouvoir. L'officier de police fronça les sourcils et se retourna vers le hameau.

Et qu'est-ce qui te dit que j'aurai envie d'obéir ? Je ne suis pas un chien savant. Je n'ai pas l'intention de plier le genou devant une chimère. J'ai vu des atrocités dans le monde réel, j'ai connu des histoires plus sordides les unes que les autres. Tout ce qu'un humain risque ici, c'est d'oublier. On va bien voir où se trouve la vraie faiblesse.

Il rebroussa chemin. De nouveau, lorsqu'il arriva à proximité, les créatures s'éparpillèrent. Il poussa la porte du saloon et pénétra à l'intérieur d'un pas déterminé. Le Voyageur au revolver étant en train de discuter avec le barman. Avant qu'il n'ait l'occasion de se retourner, Lysandre ralentit le temps dans l'espace qui les englobait tous les deux et courut vers lui. Il s'empara de l'arme qui était à la ceinture de son adversaire et le plaqua sur sa tempe juste avant que son pouvoir ne cède. L'homme se figea, tétanisé. Tout autour, les créatures eurent un mouvement de recul et partagèrent un murmure de stupeur.

"A... attends, bafouilla l'humain. Je peux te filer des essences de vie !
- Ce n'est pas ce qui m'intéresse. Je veux juste boire un coup."

Il pressa la détente. Raide mort, il s'effondra sur le plancher. Lysandre lâcha le revolver et s'installa sur un des tabourets. Tapant du pouce sur le bar, il lança à l'intention du patron :

"Alors, il vient ce verre ?"

Partie 2 : Lignes de Temps

"Hein ? T'es le dernier d'entre nous et t'es déjà mieux classé que moi ?"

Avachi dans le canapé, Lysandre leva les yeux du Dreamag et observa son interlocuteur d'un air nonchalant. La salle d'attente de la Grande Horloge était remplie par les dix derniers Voyageurs temporels, ceux-là même qui s'étaient éveillés dans Dreamland au cours des derniers mois. Cela faisait quelques semaines que le jeune homme parcourait la Première Zone, et au fil des rencontres, des combats, il avait acquis une certaine expérience de l'univers et avait amélioré la maîtrise de son pouvoir. Le temps avait été jugé propice, par Chronos, à convoquer tous les jeunes Voyageurs temporels pour leur confier leur première mission. Lysandre, curieux d'en savoir plus, avait naturellement répondu à l'appel.

- Tu n'as jamais qu'une semaine de plus que moi, répondit-il. Tu as déjà tué un autre Voyageur ?
- Non,je me contente de les laisser partir si j'arrive à les vaincre. Pourquoi, toi oui ?
- Le premier que j'ai rencontré à l'extérieur, oui. Aucun autre depuis, mais j'imagine que ça doit influer sur le classement. De toute façon on ne sait pas vraiment comment ils se décident."

Son interlocuteur, un chauve nerveux, rangea ses mains dans les poches et haussa les épaules, affichant une moue contrariée. Lysandre soupira et retourna à sa lecture, laissant traîner son oreilles aux conversations qu'avaient ses confrères et sœurs autour de lui. Il n'apprit pas grand chose d'intéressant. Ils faisaient tous partie de la Baby, et partageaient son ignorance de la situation. De longues minutes s'écoulèrent dans l'attente, jusqu'à ce que la porte de la salle s'ouvre sur Verne.

"Bien, vous êtes tous là. Chronos va vous recevoir."

Les jeunes Voyageurs emboîtèrent le pas à leur aîné, qui les conduisit directement auprès du Seigneur. Sur son trône d'aiguilles, Chronos les accueillit avec un sourire vraisemblablement joyeux.

"Il aura fallu neuf mois pour constituer une équipe digne de ce nom, et vous voilà. Mes protégés. Vous avez sillonné les premières parties de Dreamland. Qu'en avez-vous pensé ?
- Ce monde est extraordinaire, répondit une jeune fille du groupe.
- Et dangereux, renchérit un type de petite taille qui se trouvait à côté.
- Oui, vous avez raison. Vous avez raison, Dreamland est extraordinaire et dangereux, je n'aurais pas dit mieux. Vous n'êtes pas sans savoir que l'alliance élémentaire s'accroît en ce moment même. Une guerre se prépare depuis des années. Elle est au bord de l'éclatement."

Un murmure approbatif parcourut les Voyageurs temporels. Lysandre resta silencieux, surveillant Verne du coin de l’œil, qui semblait aussi intéressé par leurs réactions qu'un aveugle devant un film.

"Nous devons nous préparer à la tempête qui arrive. Et j'ai besoin de vous tous. Voyez-vous, il y a très longtemps, m'a été dérobé un objet personnel. La Dague du Temps. Un vecteur capable d'améliorer votre maîtrise du flux temporel, à vous Voyageurs. Celui qui contrôle la Dague n'a plus à créer les flux, laissant toute son énergie disponible à leur manipulation."

Le Seigneur Cauchemar marqua un temps d'arrêt, s'imprégnant de la stupeur de son auditoire. Semblant satisfait, il poursuivit.

"Les recherches de Verne nous ont permis de retrouver la trace de la Dague. Vous êtes désormais suffisamment puissants. Pour vous prouver la confiance que j'ai en vous, j'ai l'intention de vous envoyer le récupérer."

Un autre murmure parcourut les jeunes Voyageurs, Lysandre lui-même écarquilla les yeux sous la surprise.

"C'est un travail à votre portée si vous unissez vos forces. Elle est dissimulée dans un temple perdu dans la Deuxième Zone. Le Docteur va vous y conduire. Je sais qu'il s'agira de la première fois, pour beaucoup d'entre vous, que vous y mettrez les pieds. Comptez sur l'expérience des plus anciens pour vous guider. Je sais que vous réussirez."

D'un geste de la main royal, il leur signifia que l'entrevue était terminée. Verne leur fit signe de le suivre, et ils s'exécutèrent en direction du grand couloir. La cabine de police du Docteur était déjà présente, et ce dernier se tenait dans l'embrasure de sa porte.

"Vous partez immédiatement, claqua le Premier Voyageur temporel.
- On n'a même pas le temps de se préparer ? S'indigna le chauve.
- Vous êtes plus que prêts. Si Chronos le dit, alors c'est le cas.
- C'est parti jeunes gens ! Piaffa le Docteur d'un air guilleret en disparaissant à l'intérieur du TARDIS."

En file indienne, les Voyageurs temporels s'y engouffrèrent. Dernier de la colonne, Lysandre glissa un regard en direction de Verne. Ce dernier lui adressa, comme à son habitude, une mine excédée. Dans un soupir, le jeune homme pénétra dans le vaisseau.

L'équipe fut laissée par le Docteur devant un gigantesque édifice en pierres de couleur verte, en forme de Panthéon. Tout autour, un désert de plaines, parsemé ça et là d'arbres en spirale solitaires. Le Tardis disparut après que le Docteur leur ait souhaité bonne chance, et ils furent laissés à eux-mêmes. Après quelques instants durant lesquels tous apprécièrent la vue de cette merveille, l'un d'entre eux, vraisemblablement le plus expérimenté, prit la parole.

"Bon écoutez-moi. Je m'appelle Charlie. On ne sait pas vraiment ce qui nous attend à l'intérieur, alors il faut qu'on s'organise. Sauf si vous y voyez un inconvénient, je me propose de diriger. Si vous avez la moindre question...
- Il y a quelque chose qui me perturbe, souleva Lysandre en faisant quelques pas en avant, interrompant le type.
- Quoi donc ? Demanda celui-ci en haussant un sourcil.
- Pourquoi Verne n'est pas venu avec nous ?"

Le silence s'installa au sein du groupe. L'officier de police se tourna vers eux et les sonda du regard. D'un coup, il comprit qu'aucun d'eux n'avait sa trempe. Ils étaient trop doux. Il n'avaient probablement pas d'autre vie réelle qu'une banalité plate. Ils n'avaient pas son expérience des intrigues à tiroir comme il avait eu à en démêler au cours de ses enquêtes.

"Il est le plus puissant d'entre nous. Si la Dague est si importante, il devrait être là pour la récupérer. Pourquoi envoyer seulement les novices ?
- Chronos a peut-être besoin de lui pour autre chose de plus dangereux ? Fit la jeune fille. Après tout, ce n'est jamais que la deuxième zone.
- Peut-être, fit Lysandre d'un ton peu convaincu, en tournant la tête vers le temple vert.
- De toute façon, ce n'est pas la question, s'impatienta Charlie.
- Ouais, plus vite on en aura fini, plus vite je pourrai retourner à mes affaires, grogna le chauve.
- Comme vous voudrez, concéda l'officier de police. Qu'est-ce que tu proposes, Charlie ?
- Les pièces de ce bâtiment doivent être énormes. On se répartit par groupes de deux, mais on reste tous dans la même zone au même moment. Hors de question qu'un duo se sépare du reste de l'équipe, c'est compris ?"

Les autres approuvèrent. Après quelques autres recommandations, Lysandre se retrouva en duo avec Charlie et tous gravirent les premières marches deux à deux, les uns derrière les autres, aux aguets. Ils ne rencontrèrent aucune résistance en s'approchant de l'énorme porte d'entrée. Chaque battant devait peser plusieurs tonnes, et était haut comme trois maisons. Pourtant, alors que le leader de l'équipe posait sa main dessus, l'un d'eux grinça et s'ouvrit lentement.

Surpris mais déterminés, les duos s'engouffrèrent chacun à leur tour dans le temple. Ils y découvrirent une salle démesurée, s'étendant sur plusieurs centaines de mètres, tout en marbre vert. La voûte était soutenue par des rangs de piliers évasés, et l'endroit semblait totalement vide. Tout au bout de l'allée centrale, une énorme fontaine d'eau aux reflets d'émeraude présentait, en son centre, un piédestal sur lequel était posé quelque chose. Ceux qui avaient le plus d'acuité visuelle purent percevoir que l'objet était une dague. La Dague du Temps.

C'est beaucoup trop facile.

Charlie fit un signe de la main à l'équipe, et chaque duo alla se plaquer contre un pilier. Il progressèrent ainsi, de pilier en pilier, de manière discrète. Sans faire le moindre bruit, il traversèrent la salle étape par étape, et ne connurent aucune difficulté. Ils se réunirent tous les dix en ligne une fois arrivés à la fontaine, qui arborait les dimensions d'une mare. Contre le mur du fond, qui épousait la forme arrondie de l'étendue d'eau, une statue représentait un vortex informe. Sur son piédestal, la Dague scintillait d'une couleur d'argent.

"L'eau doit être piégée, piaffa le chauve.
- C'est très étrange,  souligna Lysandre.Elle a l'air d'être parfaitement à sa place. Quel genre de voleur édifierait un bâtiment pareil pour ranger son butin ?
- C'est qu'il n'y a pas de voleur en cet endroit, gamin. Gronda une voix d'outre-tombe."

Le ton caverneux fit sursauter le jeune Voyageur du Temps. Il tourna la tête dans tous les sens mais ne distingua aucune autre présence que celle de ses compagnons. En revanche, l'atmosphère s'était refroidie. A l'autre bout du temple, il entendit l'immense porte claquer. Et tandis qu'il pivotait pour avertir les autres, il s'aperçut que tous étaient figés dans leur posture. Tout autour de lui, des particules de lumière scintillèrent et se mirent à virevolter, pour finalement se réunir en un vortex au centre de la fontaine. Du néant, la silhouette d'un immense monstre se dessina. De plus en plus distinctement, Lysandre reconnut la forme qui apparaissait.

Il fut instantanément saisi d'effroi, et voulu s'enfuir. Mais ses jambes refusèrent d'obéir. Impuissant, il assista à l'apparition d'un gargantuesque dragon aux teintes vertes et grises. Lorsque le monstre fut complet, il fit tourner son long cou et positionna son museau à quelques centimètres du visage du Voyageur. Son souffle était brûlant.

"Tu es Lysandre Videl, gamin. Et tu fais face à Kairos, le Dragon du Temps."

Incapable de répondre tant la terreur le stupéfiait, l'officier de police tremblait de tous ses membres.

"Qu'es-tu venu faire ici, Lysandre Videl ?"

Aucune réponse. Un grondement sourd émana de la gorge du dragon.

"Réponds !
- Je... nous ne savions pas. Chronos nous a envoyés, il disait avoir été volé, et...
- Ah... Chronos... Commença la bête en poussant un ricanement rauque et étranglé. Cet avorton bourré d'ambition et rongé par la jalousie. Il fixe le trône de Deus comme s'il s'agissait d'une oasis et qu'il était en plein désert. Il considère le Dieu de Dreamland comme l'usurpateur du Pouvoir du Temps... Il ne voit dans les conflits à venir que le moyen de prendre la place du grand Seigneur Céleste. Ha ! Deus a deux fois son âge, il n'a aucune chance. Sais-tu pourquoi il vous a réellement envoyés, Lysandre Videl ?
- Ce n'était pas pour la Dague ?"

A mesure que les secondes passaient, le jeune homme se détendait malgré lui. Son interlocuteur était terrifiant, mais il semblait vouloir discuter. Peut-être pouvait-il gagner du temps.

"Si, bien sûr, gamin, pour la Dague. Mais pas pour la récupérer, puisqu'il ne l'a jamais possédée. Pour me la subtiliser ! Fit-il en grondant. Il veut aussi savoir quelles sont mes dispositions à son égard. Si je vous massacre tous, il saura que je suis son ennemi. Si je vous laisse partir, il pensera pouvoir compter sur moi. Et si par hasard un de vous réchappait de mon courroux avec la Dague, il aurait tout gagné, d'où votre nombre. Il vous a dit que vous étiez préparés, que vous étiez suffisamment puissants... Ha ! Il vous a mentis. Vous n'êtes que de la chair à canon pour lui. Mon pouvoir l'empêche de visiter l'avenir lié à la Dague. Vous êtes ses éclaireurs. Son véritable champion est resté à ses côtés, car il fonctionne toujours ainsi : un favori précieux, des pions sacrifiables.
- Je soupçonnais quelque chose comme ça...
- Vraiment ? Es-tu à ce point perspicace, Lysandre Videl ?"

Le dragon fut prit d'un fou-rire guttural.

"Je m'entretiens en ce moment avec chacun d'entre vous, dans des lignes temporelles différentes. Le Pouvoir du Temps est grand, gamin. Il est à l'origine des failles, des paradoxes, il est en mesure bâtir des dimensions temporelles et des vortex parallèles. Il est incertain, capricieux, imprévisible, changeant, farouche, vivace comme le vent. Chaque ligne de temps est soumise aux choix de la multitude, et le moindre changement, la moindre bifurcation, le moindre embranchement différent peut bouleverser l'équilibre entier. Des dix de Chronos, tu es celui qui m'intrigue le plus. Tant de possibilités, d'ouvertures... Tant de changements, de mouvement, de chambardements ! Tu es Baroque, Lysandre Videl ! Tu es Baroque ! Ha !"

La bête s'esclaffa de nouveau, faisant trembler les murs.

"Je serais prêt à t'offrir une écaille... Mais non, non, ça ne t'intéresse pas. Tu es déjà un Contrôleur du Temps. Mais tu souffres du mal d'indépendance. Ton désir le plus profond est de t'émanciper, d'être libre. Tu es en quête d'opportunités, tu crois en ta bonne fortune. Avec mon écaille, tu ne dépendrais plus de Chronos... Mais je sens, non je sais que ta volonté est plus forte que ça. Tu peux briser ton allégeance et te faire un ennemi de ton propre Seigneur... Ha ! Tant de dégâts pour de l'ego !
- Personne n'est mon Seigneur. Chronos pas plus que les autres. Il doit son existence à l'humanité. Il me la doit !"

Cette fois Kairos pencha la tête en arrière et rit tellement fort que plusieurs vortex temporels s'échappèrent de son œsophage et filtrèrent de son corps en écailles, manquant de renverser le jeune Voyageur. Lorsqu'il eut terminé, son museau revint à proximité du jeune homme.

"Tu ne veux pas de mon écaille, alors... Tu peux prendre la Dague et partir, Lysandre Videl."

Lysandre resta silencieux, principalement parce que l'incrédulité venait de se noyer sous l'incrédulité. Toute peur venait de disparaître en lui, il n'était plus qu'incompréhension.

"Mais tu es trop divertissant pour que je te laisse simplement t'en aller. La croisée des lignes a formé un nœud devant le fleuve de ta vie, gamin. C'est maintenant que tout se joue. C'est maintenant que tu va délier les fils. Vas-tu saisir l'opportunité, passer à côté, ou t'en détourner ? Que vas-tu choisir ? Quel flux vas-tu établir ? Où va s'arrêter la roue ? Ha ! Je vais aussi libérer tes compagnons. Dans ce pan dimensionnel, quelle va être ta décision ? Lorsque ce sera fait, je quitterai cet endroit pour sillonner Dreamland à nouveau, pour la première fois depuis des millénaires. Tout ça est excitant ! J'ai hâte, Lysandre le Baroque, j'ai hâte !"

Tandis qu'il était reprit de hoquets de rires, les contours du dragon commencèrent à s'estomper, et les particules de lumières réapparurent pour se disperser. Lorsqu'il disparut, le bruit d'une porte qui s'ouvre retentit depuis l'autre bout du temple, et les autres membres de l'équipe quittèrent leur état de stase.

"Bordel de Dieu ! S'exclama le chauve. J'ai cru qu'il allait tous nous tuer !
- Vous avez tous vu la même chose que moi ? Fit Charlie.
- Il disait s'appeler Kairos ? Hoqueta la jeune fille. Qu'est-ce qu'il vous a dit à vous ?"

Lysandre reprenait son souffle, les mains plaquées sur les cuisses. Il se sentait à nouveau libre de ses mouvements. Mais le jeu auquel jouait Kairos avec lui était tout simplement malade. Il se savait aussi observé, à travers quelque ligne temporelle parallèle, par le Dragon du Temps. Le temps, justement, pressait. Les autres voudraient emporter la Dague pour la ramener à Chronos. Et Chronos s'empresserait de la donner à Verne, son pantin. Il était hors de question de continuer à obéir à quelqu'un qui l'aurait sacrifié sans la moindre pitié.

"Prenons la Dague et allons-nous en !"

Lysandre leva brusquement la tête vers Charlie.

Il n'a rien compris. Et les autres, ça ne servirait à rien de chercher à les raisonner. Ils sont terrorisés. Ils m'empêcheraient de la prendre.

Le leader de l'équipe enjamba le muret et fit un premier pas dans l'eau de la fontaine. Il fallait prendre une décision immédiatement. Lysandre choisit. Il s'élança dans la fontaine, dépassant le chef de groupe dans un clappement aquatique. Ce dernier s'arrêta, stupéfait, laissant tout le temps à l'officier de police de bondir pour saisir la poignée de l'arme en haut de son piédestal. En ré-atterrissant, Lysandre souleva une gerbe d'eau. Il sentit instantanément le pouvoir de l'objet et perçut le flux temporel courir avec plus de facilité le long de son corps. Il profita d'avoir les genoux pliés pour impulser son mouvement, et fonça droit sur Charlie.

Lui d'abord !

Du fait son expérience, le Voyageur comprit instantanément qu'il était en danger de mort, et entreprit d'user de son pouvoir pour le ralentir. L'officier de police fut bien ralentit. Mais il était déjà à son niveau, et en générant une faille temporelle en zigzag jusqu'au niveau de sa gorge, Lysandre frappa sans que son adversaire ne puisse anticiper le coup. Une gerbe de sang gicla dans la fontaine, et Charlie tomba à genoux, portant les mains à sa trachée. La jeune femme poussa un cri d'effroi, et tous eurent un mouvement de recul.

Sans même prendre le temps de voir Charlie mourir, Lysandre fonça sur les autres. Encore sous l'état de choc de la rencontre avec le dragon et incapables de comprendre pourquoi l'un des leurs se retournait contre eux, seuls les derniers encore debout tentèrent de faire usage de leur pouvoir. La jeune femme fut finalement la seule à se tenir en face de lui, dépourvue du moindre esprit de combativité, tremblante de terreur. Le chauve, quant à lui, s'était enfui en courant et approchait de la sortie. Le choix fut immédiat. Créant un couloir temporel qui les reliait tous les deux, il le rejoignit en un clignement d’œil et lui sectionna la carotide. Le Voyageur s'effondra dans des gargouillis sanguinolents.

Rebroussant chemin, Lysandre retourna au niveau de la fontaine, désormais à moitié rougie par le sang de Charlie. La jeune femme se tenait toujours là, fébrile.

"Comment est-ce que tu t'appelles ?
- C'est Nadja. Pourquoi est-ce que tu le demandes ? T'es une sorte de psychopathe ? Je... Je ne veux pas te combattre tu sais. Je ne veux pas mourir.
- Ce ne serait pas une véritable mort, pourtant.
- Ça le serait ! Sanglota-t-elle. Pour toi c'est peut-être un jeu, mais Dreamland est important pour moi ! Ma vie est fade. Ici je peux m'évader.
- Je n'ai pas l'intention de te toucher si tu ne comptes pas m'arrêter.
- Alors qu'est-ce que tu veux ?
- Que tu transmettes un message à Chronos et à Verne. Tu leur diras ça, sans omettre le moindre mot : "Je ne plie le genou devant personne".
- C'est tout ?"

Lysandre acquiesça d'un signe de la tête. Nadja resta quelques instants à l'observer, puis détala en direction de la sortie. Lorsqu'il fut seul dans le temple, Lysandre, la Dague du Temps rougie par le sang de ses semblables, se tourna vers les cadavres.

A travers les murs et les colonnes de marbre vert, le rire guttural du Dragon du Temps résonnait.

Epilogue : Dieux et Meteors

Lysandre rabattit la capuche sur ses épaules et leva la tête vers le sommet de la muraille. Cela faisait presque dix mois qu'il était dans Dreamland. Sa discrétion lui valait de ne pas avoir fait énormément de vagues depuis le massacre du temple et sa sécession du Royaume du Temps. Il échappait un maximum aux combats, et tentait de progresser à travers la Deuxième Zone afin d'en apprendre toujours plus sur l'univers de Dreamland, de comprendre l'actualité et de percevoir les différentes opportunités qui s'offraient à lui.

Le tout en échappant aux radars de Chronos et de Verne, qui n'avaient pas du manquer de déployer des trésors d'ingéniosité pour retrouver sa trace. Verne lui-même devait le traquer en ce moment-même. Et il se savait incapable de faire face à un tel monstre pour l'heure. Se retrouver devant de lui était donc la dernière des choses qu'il désirait.

Il se trouvait à présent à l'entrée d'une cité sans royaume, au nom obscur qu'il n'arrivait même pas à prononcer. Il était à la porte nord, et des créatures montaient la faction pour filtrer les entrées et les sorties, contrôler les allées et venues. Vraisemblablement, les dirigeants du coin étaient sur les dents. Çà et là, il capta quelques bribes de conversation qui lui permirent de comprendre qu'une attaque des Meteors avait eu lieu récemment. Les Voyageurs avaient tenté de voler un précieux objet magique appartenant au Baron, mais l'objet en question s'étant avéré être une légende, ils étaient repartis bredouilles.

Ce n'était pas la première fois que Lysandre entendait parler des Meteors. La toute première fois que leur nom lui était parvenu correspondait au vol du Sceptre de Richesse par l'une de leurs équipes. Depuis, ils avaient réalisé d'autres coups encore plus importants qui les avaient installés dans une position de faction qui compte. L'audace et le panache de ces Meteors avaient eu le mérite de retenir son attention. Sans doute un peu trop, pour l'empêcher de revenir à ses esprits à l'approche de la poterne.

"Hé ! Vous rêvez ou quoi ? Demanda le garde. J'vous ai demandé la raison d'vot' passage.
- Oh, navré. Je ne connais pas l'endroit. Je visite.
- Mouais. Z'êtes un Voyageur hein. Classé combien ?
- Je suis dans la Baby.
- Pas un gros danger alors. 'Pouvez y aller. Mais faites gaffe, à la moindre vague on vous vire par la peau du fion. Et attention à vos essences de vie aussi. Y'a de drôles de zigotos qui passent parfois à travers les mailles du filet.
- J'en prends note. Merci.
- Allez circulez, 'pas qu'ça à foutre."

Lysandre obtempéra et pénétra dans la cité. Il sillonna un moment les bas-fonds avant de gravir les avenues menant à la ville haute, et trouva une taverne à son goût, l'endroit parfait pour apprendre les nouvelles. Il entra, alla s'installer à une table et commanda une boisson locale. Laissant ses oreilles traîner, il n'apprit rien de plus que ce qu'il savait déjà.

Son attention se focalisa donc rapidement sur les allées et venues. Et sa stupeur dépassa celle qui l'avait frappé en face de Kairos quelques mois plus tôt, en découvrant deux Voyageurs qui passèrent la porte d'entrée pour aller s'installer à quelques tables de lui. Un homme et une femme. L'homme ne lui disait absolument rien, mais il aurait reconnu le visage de la femme parmi des milliers.

Aurore... !

La jeune femme promena son regard autour de la salle, et lorsque ses yeux tombèrent sur les siens, ils eurent tous deux un moment d'arrêt. Il perçut la stupeur sur l'expression de la prostituée, suivie d'une sourire sincère. Son compagnon, s'apercevant du manège, suivit son regard et fronça les sourcils à la vue de Lysandre. Il posa une main sur le bras de la jeune femme, qui baissa les yeux. Le Contrôleur du Temps s'empara alors de son broc et se déplaça jusqu'à leur table, où il s'installa.

"Après quasiment un an, je suis heureux de vous revoir, Aurore. En particulier ici, c'est bien le dernier endroit où je m'attendais à vous croiser.
- Ecoutez-moi bien, articula le type en coupant la Voyageuse dans son élan. Je ne sais pas qui vous êtes, ni comment vous la connaissez. Mais vous allez foutre le camp et retourner à votre place dans les trente secondes, ou vous finirez en cendres.
- Sympa, votre ami, fit Lysandre en ignorant l'homme, écarquillant les yeux et ricanant doucement."

Aurore sembla se retenir de rire, mais devant le visage du bonhomme qui semblait fulminer, elle s'empressa de prendre la parole d'un ton plus sérieux.

"Laisse-le, Célestin. C'est le policier qui a pris mon témoignage, et son travail a payé. Les responsables ont été condamnés. Ce n'est pas un ennemi. Du moins je l'espère. Vous n'êtes pas un ennemi dans Dreamland, n'est-ce pas, lieutenant ?
- Je ne suis l'ennemi de personne à part de ceux qui font tout pour le devenir."

En les regardant de plus près, il constata la présence d'étranges arabesques lumineuses qui parcouraient leur corps par intermittence. Captivé par ce spectacle, il ne put s'empêcher de laisser traîner son regard sur la gorge de la jeune femme.

"Qu'est-ce qu'il regarde ? S'indigna le type.
- C'est la première fois que je vois ce genre de... tatouages.
- Ce ne sont pas des tatouages, lieutenant. Nous sommes des Voyageurs du Panthéon. Nous sommes marqués pour invoquer les divinités grecques. Dans notre Royaume, on m'appelle une Muse. Et les homme, comme Célestin, sont qualifiés de Faunes.

Aurore et Célestin:

"Je vous en prie, appelez-moi Lysandre. Il est vrai que vous êtes inspirante, une véritable muse. Vous aviez peur des dieux, Aurore ?
- Tu ne veux pas non plus lui filer nos numéros de sécurité sociale ?
- Je lui fais confiance, Célestin. Plus depuis deux ans, Lysandre, avoua finalement la jeune femme dans un sourire gêné. Et vous, depuis combien de temps êtes vous dans Dreamland ?
- A peu près moitié moins que vous. Qu'est-ce qui vous amène dans cette ville au nom imprononçable, vous et votre... compagnon ?
- Nous avons fui notre Royaume. L'idée d'obéir à un Seigneur a fini par nous rebuter. Célestin est dans Dreamland depuis plus longtemps que moi. Il m'a raconté des choses. Les atrocités auxquelles se livrent certains Seigneurs Cauchemars sont terribles. Et cette quête permanente de la guerre... Il faut que ça cesse. Tout ça pourrait avoir des conséquences sur la psyché humaine dans son ensemble. Dreamland connecte les humains entre eux. Un Dreamland instable, ne pensez-vous pas que cela pourrait rendre les humains instables dans le monde réel ?
- Je n'avais jamais envisagé les choses sous cet angle. Mais je partage votre avis à propos des Seigneurs, et des créatures en général. Nous n'avons pas à obéir.
- Il y a un groupe de Voyageurs, les Meteors, qui ont été vus récemment par ici. Nous espérions trouver un moyen de les contacter pour les rejoindre. Il semblerait qu'ils désirent inverser la tendance, et rendre Dreamland aux Voyageurs.
- J'en ai entendu parler.
- Partons maintenant, fit Célestin en se levant."

Le Voyageur regardait à gauche et à droite depuis le début de la conversation, comme un paranoïaque. Finalement, il empoigna le bras de la jeune femme et lui désigna la sortie d'un signe de la tête.

"Mais vous venez d'arriver !
- Les murs ont des oreilles. Et les locaux sont sur les dents depuis l'attaque des Meteors. A votre place, j'en ferais autant. Les types autour de nous n'ont pas l'air amicaux.
- Nous partons Lysandre. Nous savons comment nous rejoindre, à présent que nous connaissons notre présence mutuelle à Dreamland. Ce n'est qu'un aurevoir."

Elle lui adressa un ultime sourire, et tous deux s'éloignèrent en direction de la sortie. S'avachissant sur son siège, le Voyageur temporel vida d'un trait ce qui restait de son verre, et jeta un coup d'oeil à la ronde. Toutes les tables avoisinantes avaient les yeux rivés sur lui, et les créatures semblaient prêtes à lui sauter à la gorge. Il leva les yeux au ciel. Empoignant sa Dague, il modula les flux temporels et prépara sa sortie.

J'aime - 1. Les intrigues 2. La réalité 3. Les femmes 4. Le changement 5. La victoire

Je n'aime pas - 1. Les Seigneurs Cauchemar 2. La défaite 3. L'immobilisme 4. La soumission 5. Les crétins

- Phobie : Chronophobie

- Pouvoir : Contrôleur du Temps

- Objet magique : Dague du Temps - En générant elle-même les flux temporels, elle permet à son détenteur de se concentrer uniquement sur leur manipulation. Elle facilite donc l'usage du pouvoir des Contrôleurs du Temps.

• Le personnage sur ton avatar : Roherik Tenexendre, de Planète Axia
• Rang spécial désiré : -
• Relation prédéfinie : -
• Code du règlement :

Derrière l'écran...

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• Prénom ou pseudo: Zel
• age: 24 ans
• comment as-tu connu le forum ? Par l'intermédiaire de Joy/Mario.
• Connais-tu Dreamland ? Oui, mais je n'ai lu que le premier et le deuxième tome pour l'instant.
• Depuis quand fais-tu du rp ? Ça va bien faire 9 ou 10 ans maintenant.
• Pourquoi as tu choisi ce forum? J'y ai déjà un pote, ma foi !
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• Une remarque ? Non plus.

Le Loup de Fashion Town
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