Est-ce que vous êtes là, Ibza ? [Johann, Isaac, Vladimir]

♢ Un pas essoufflé, une échine courbée ♢

Le sabreur blanc à capuche sombre avait prononcé quelques mots à l'intention de Vladimir au moment où Picaboom avait implosé. La détonation ayant couvert ses propos, l'Invocateur de Chevaux pencha légèrement la tête en avant et afficha et plissa les yeux comme pour améliorer son sens auditif. Par réflexe, il voulut même porter un main à son oreille droite, mais il se rappela qu'il n'avait plus de bras en constatant tout simplement qu'il ne pouvait pas le faire. Il y eut alors un second chambardement d'une amplitude phénoménale, qui projeta le jeune homme dans les airs en lui faisant perdre le sens de l'endroit et de l'envers.

Vlad se sentit balloté dans tous les sens, projeté vers une destination qu'il ne connaissait pas. Il tenta tant bien que mal de s'éviter de percuter un certain nombre de gros projectiles à l'aide de ses pieds, l'un botté et l'autre dénudé. L'homme tronc qu'il était devenu parvint à shooter dans un ou deux gravats, mais il ne peut rien faire contre l'énorme fontaine qui lui arriva droit dans la figure et qui le percuta de plein fouet avant d'aller s'encastrer dans un mur qu'elle brisa en éclats. Comme soufflé, aspiré par un appel d'air gravitationnel, le Great-Rider traversa ce trou béant et alla se réceptionner douloureusement dans l'herbe. Il y fit quelques tonneaux incontrôlés avant de finalement se stabiliser.

Durant quelques secondes, il eut certainement un moment de black out. C'est un bruit d'arme à feu qui le fit revenir à lui. La tête face contre l'herbe humide, il tenta de l'incliner vers le haut pour repérer où il se trouver. Il reconnut plus ou moins l'Ibza Garden où il s'était retrouvé plus tôt dans la soirée, avant que celle-ci ne prenne une tournure vraiment désagréable. A présent, l'endroit ressemblait surtout à une zone de guerre. Des cadavres de créature jonchaient la terre, les jacuzzis désormais sans bulles étaient rougis par le sang des morts, et certains corps flottaient à la surface. Par de nombreux endroits, la terre était retournée, donnant à l'étendue extérieure des allures de chantier.

Pourvu que Lou et Judy aient pu s'enfuir d'ici...

Un autre coup de feu retentit, et un corps s'étendit lourdement près de lui. Dans un grognement plein de colère, Vladimir se tortilla et malgré son manque de bras, parvint à s'appuyer sur la tête pour se mettre à genoux. Dans ces conditions, il se serait attendu à une remarque cinglante de Grani, mais rien ne parvint à ses oreilles. Il tourna la tête à droite, à gauche, et repéra le petit corps inanimé de l'animal à quelques pas de là. Aussitôt, son cœur s'arrêta. Les yeux écarquillés, il crut un instant que le Guide était mort. Il savait déjà, parce que l'ancien Cheval Cauchemar le lui avait expliqué, que ses autres invocations pouvaient être tuées une nuit pour revenir la suivante. Il savait aussi que l'existence de Grani était liée à la sienne. Mais il ne savait pas du tout si le petit cheval de trait volant étant en mesure de mourir définitivement dans Dreamland alors que lui-même y respirait toujours. Cette pensée l'inonda d'une détresse profonde, et alors qu'il tentait de se redresser pour le rejoindre et qu'il glissa dans l'herbe pour se retrouver de nouveau face contre terre, il perçut un mouvement sur le flanc de l'animal. Signe de respiration.

Il est assommé ! Constata-t-il pour lui-même en se redressant de nouveau par la tête.

De retour sur ses genoux, il repéra deux autres Voyageurs près de lui, et les avisa d'un œil intrigué. L'un avait les cheveux d'un bleu pur, l'autre des piercings plein la tête. A ce moment, des dispositifs apparurent à leurs oreilles, et l'Invocateur de Chevaux sentit que lui-même en recevait un exemplaire. Une question leur fut alors adressée à tous les trois. Au loin, sur une position de hauteur, deux snipers tiraient à vue sur la foule, protégés par une poignée d'autres Voyageurs. A priori, ces tireurs tenaient Vladimir et ses deux nouveaux compagnons d'infortune en joue. La situation était telle que le jeune homme ne songea même pas à ce qu'avait pu devenir Diavolo dans l'explosion. Le Prince de Guerre était suffisamment robuste pour être en mesure de prendre soin de lui-même, il le connaissait tout juste suffisamment pour lui faire pleinement confiance à ce sujet.

En forçant sur ses hanches et son bassin, Vlad l'homme-tronc se tortilla et parvint à adopter une position verticale. Là, il repéra le point rouge qui voyageait sur son corps. La vue des cadavres un peu partout et des individus désorientés, qui tentaient de s'échapper ou de se protéger, lui donna la nausée. Il fronça les sourcils, empli d'une colère pure, innocente. Ses yeux passèrent successivement du type aux cheveux bleus à celui aux piercings. Il ne connaissait pas ces gars ni ce qu'ils avaient bien pu faire depuis le début de la nuit, mais à ce stade des événements, peu lui importait réellement. Il ne laisserait personne d'autre tomber ce soir.

La fatigue pouvait se lire sur ses traits, et pas uniquement en raison des multiples contusions, entailles et plaies qui lui striaient la peau. Ses bras manquants n'étaient pas non plus la cause. Il avait énormément usé de son pouvoir au cours de la nuit, à commencer par ses affrontements avec la bande à Blade, en passant par la course-poursuite avec Diavolo et les vigiles, en terminant par l'affrontement avec Picaboom. La perte d'énergie était réelle. Pourtant, son regard semblait toujours animé d'une lumière vivace.

« Pooka ! »

Une fois encore, le cheval un peu déglingué de la tête apparut dans son nuage de fumée, et se mit à tourner autour de son Invocateur. Son apparence était proche de celle de Vladimir, à savoir fatiguée, usée. Mais il serait encore capable de pousser une ou deux charge. De quoi répondre aux coups par les coups. D'un pas, Vlad se positionna devant les deux autres Voyageurs.

« Je sais pas pourquoi tu fais ça, lança-t-il à l'intention de la snipeuse, mais j'sais que t'es pas obligée de le faire. Tu peux encore prendre la bonne décision et faire quelque chose de bien. Seulement décide-toi bien. Si t'appuies sur la gâchette, rate pas ton coup, parce que t'auras pas de seconde chance pour m'abattre. »

Il marqua l'arrêt, secoua la tête et fit tomber l'oreillette, qu'il écrasa du talon de sa botte restante. Droit et fier, il défiait la tireuse de ses yeux d'or et déterminés.

Bon, ok, j’admets… Je reconnais… J’entrevois que mon plan n’était pas forcément le meilleur qui soit, c’était loin d’être l’idée du siècle. Mais que voulez-vous, lorsqu’on est en plein milieu de l’action, et ben on improvise comme un peu. Et entre me faire manger vivant, et déclencher la chute des nécropoles, et bien… Bah j’ai fait mon choix. Bref, récapitulons. Le gros qui avait une capacité d’aspiration à la Kirby était sur le point de me gober dans sa bouche, ce qui n’était étonnamment pas dans mes envies. Sur le coup, je décidai donc de le déstabiliser en plongeant dans la bouche de la bête.

« - Géronimooooooooo ! »

Une fois plongé à l’intérieur, à pleine vitesse (entre la puissance du souffle et la vitesse de propulsion de ma barrière), je n’eus que peu de temps pour voir ce qui m’attendait. On aurait dit une véritable cité qui se trouvait à la place des entrailles de l’homme, de quoi me faire hausser un sourcil. Enfin, je l’aurais fait, si je ne m’étais pas retrouvé à percuter violemment un objet métallique, que je devinais être une cloche au son qui résonnait dans mes oreilles. Putain le con, je me rendais sourd tout seul avec ces conneries ! Cependant, ce moment de divertissement arriva rapidement à sa fin, lorsque ce qui ressemblait à des tremblements commençaient à résonner dans le corps du voyageur. Des tremblements, grondements de partout. Et soudain, c’est le drame.

« - … Je détestes tout maintenant… »

Sur moi se fourraient tout l’ensemble des immeuble et bordel qui se logeait dans les entrailles de l’absorbeur, et tout était en train de s’éjecter d’un coup, comme s’il s’agissait du contenue de ses entrailles qui se vidaient sur moi. Bizarrement, je n’aurais jamais cru dire ça de ma vie, mais j’aurais préféré à la limite qu’il me vomisse vraiment dessus. A la place, je me plaquai contre ma barrière et me préparai à me faire propulser dans toutes les directions, en hurlant à plein poumons. Bordel, ça bougeait dans tous les sens, mais je préférais fermer les yeux pour ne pas me prendre quelque chose qui m’en crèveraient un. Raisonnement pas logique ? Je me prends une nécropole dans la gueule, COMMENT CA, CA PARAIT LOGIQUE ?!

Les secousses s’arrêtèrent en même temps que je me fit propulser sur le sol, roulant sur l’herbe quelques mètres en ayant plusieurs douleurs apparaissant sur mon « n’importe où ». Sonné, je savais cependant que le pire restait à venir. Aussi, je concentrai une nouvelle fois ma pensée pour matérialiser une barrière au-dessus de ma tête, et la maintenant en place de toute ma puissance mentale. Traduction : ça passait ou ça cassait. L’éboulement d’immeuble se passa violemment, recouvrant mon corps sous une mer de décombres, et alors qu’un silence s’était installé, une pile de déchet sauta dans les airs, et du trou formé, j’en sortis, essoufflé, mais me marrant comme un taré.

« - Huuuh… Huuuhh… Hé… Hé hé… HAHAHAHAH, JE SUIS VIVANT ! JE SUIS PUTAIN DE VIVANT ! JE SUIS… Oh pour l’amour du PUTAIN DE DIEU ! »

Je m’interrompis dans mes festivités en voyant un énorme point rouge apparaître en plein milieu de mon front, et bien que cela aurait pu paraître inattendu, je savais exactement ce que ça représentait en plein milieu de ce bordel : un Sniper. Un putain de tireur planqué avec un fusil à lunette. Je le savais surtout grâce à l’information que j’avais dans l’oreille qui me demandait de choisir entre moi et deux rouquins, et étrangement, je devinais que l’un d’entre eux était sans doute Isaac. Après quelques secondes à réfléchir et à soupirer, je m’allongeai dans le tas de détritus, bras détendus, et répondi à la provoque en gardant la barrière d’avant devant moi, empêchant tout tir de m’atteindre (théoriquement).

« - Tu sais quoi ? J’en ai plus rien à foutre ! Tire moi dessus si t’es capable ! Réponds à ma provoc', connasse ! T’es pas cap’ j’en suis sûr ! JUST DO IT ! »

HRP:

La balle perfora le corps du Great-Rider, arrachant une mèche de cheveux de Pooka qui manqua de se faire prendre dans le tir lui aussi. Le souffle coupé, Vladimir se sentit basculer en arrière. Ses bras manquant ne lui permirent même pas de chercher à se rattraper, et c'est son dos qui encaissa la chute de plein fouet. Il cracha une gerbe de sang à l'impact.

Hoquetant, cherchant à trouver la respiration qui commençait à lui manquer, il n'eut pas vraiment le temps d'appréhender le mouvement du type à l'épée qu'il avait vu brièvement traverser son champ de vision avant de se faire dégommer. Ses yeux se baladèrent dans le ciel nocturne de la discothèque. Il avait déjà vécu un moment pareil dans le réel, le jour-même qui avait précédé son éveil en Voyageur. Après le coup de couteau, le trou de balle. Dans les deux cas, il l'avait demandé, après tout.

Toutes les douleurs qui lui traversaient précédemment le corps s'étaient muées en une seule et même déchirure, dont le point central était le tuyau sanguinolent dessiné à travers sa clavicule par le passage de la balle. Quelque chose de chaud se répandait sous lui, sur la terre et dans l'herbe. Son sang, précisément. Et à vitesse grand V. Lentement, à mesure que son fluide vital le quittait, son esprit commença à divaguer, dansant dangereusement sur la ligne du délire.

Il se sentit alors soulevé, tracté par quelque chose -ou quelqu'un- qu'il n'était pas en position de distinguer. Tout autour, le champ de bataille se mit à se déchaîner, les cris d'une charge se mêlant à des bruits et des souffles d'explosions phénoménales. Des lumières jaunes, rouges et oranges inondèrent le champ de vision du Great-Rider, qui n'était maintenu conscient que par la voix criarde de son invocation déjantée, Pooka, qui virevoltait erratiquement dans le sillage de l'individu qui portait le Voyageur.

« Putain putain putain ! Waaahaaah ! Vlaaaaad ! Tu vas pas mourir hein ! Accroche-toi mon pote ! J'ai chopé Grani t'inquiète ! T'inquiète ! T'inquiète ! C'est la meeeeeerde ! C'est trop marrant ! C'est trop flippant ! J'adore ma vie ! Attention à gauche, ça va péter ! Meeeerde... Olala, sa tête elle a volé à lui ! Garde la tête sur les épaules Vlad ! Et toi là ! Tu vas pas laisser clamser mon Rider hein ! Sauve-le ! Sauve-le ou j'te charge ! Enfin sauve-le quoi ! »

C'était comme si inconsciemment, la créature chevaline savait que pour maintenir son Rider en vie, il fallait lui parler et l'empêcher de s'évanouir.

«Qu'est-ce que... Laissa échapper le jeune homme en prenant doucement conscience de ce qui se passait réellement. C'est pas fini... C'est pas fini j'dois protéger les... Les gens. Laisse-moi me battre... !
- Tût tût tût ! C'est là que Grani dirait que tu dois fermer ta bouche et pour une putain de fois il aurait putain de raison. Cette personne va s'occuper de ton cas c'est sûr ! Laisse Pooka se charger des connards ! Donne tes ordres et je charge ! J'ai la tête dure bordel ! Des migraines plus fortes que les bombes ! Je frappe tel un ouragan ! Je suis Pooka l'Equestre Farceur !
- Pooka... Grani, il est où ?
- Sur mon dos t'inquiète, hoho ! J'suis pas beaucoup plus grand qu'lui mais assez pour le porter tranquiiiiiiille ! Putain ça pète à droite ! Yaaaaah !
- Les deux gars... Les deux gars ? S'enquit le Great-Rider tandis que ça commençait réellement à exploser de partout.
- Chhuuuuuut.... Tout va bien se passer... Tout va bien se passer pas vrai, toi ? Fit le Farceur Équestre d'une voix fluctuante à l'intention de la personne ou de la chose qui emportait son Voyageur. Puis il s'adressa de nouveau directement à ce dernier. Tout va bien se passer pas vrai Vlad ? Dis moi que tout va bien s'passer, comme tu fais tout le temps. Dis-moi que tout va bien s'passer ou je PANIQUE ! »

Pooka se mit à pousser des hurlements bien vite couverts par les bombes, tandis que Vlad tentait vainement de comprendre ce qui se passait autour de lui. Le moindre mouvement lui arrachait une grimace et un grognement. Finalement, il cracha un glaviot de sang et afficha un sourire en admettant au bout du compte qu'il ne pouvait plus rien faire. Plus d'énergie, plus de capacités, plus de propension à l'action. Simplement dans l'acceptation de son sort, il laissa un large sourire s'afficher sur son visage.

« Tout va bien se passer. »

Il fallait croire que le sort s’acharnait sur moi alors que je n’avais rien demandé, non de dieu ! Franchement, vous y croyez, vous ? J’étais venu à la soirée de la Dreambox pour passer du bon temps, à la limite me préparer à une ou deux engueulades puis baston de bar, et me voilà en train de me sortir d’une situation de vie ou de mort ! Le point rouge qui était sur mon front, que j’avais vu grâce aux reflets sur les mèches de cheveux sur l’avant (oui, monsieur le GM, je fais bien en compte de prendre le physique de mon perso pour m’aider) m’indiquait clairement la présence de quelqu’un qui voulez s’amuser avec moi. Je savais pas où il était, mais j’avais gueulé suffisamment fort pour qu’il puisse normalement l’entendre (Nota-Bene Numéro 2 pour les questions du GM).

Ensuite, par sang bleu, le coup du sort s’acharne sur moi ! Alors que j’entendis le coup de feu, j’eu un rire grand en voulant annoncer qu’elle avait raté, mais voilà que je prends une table sur la tête. Comment me suis-je pris une table à cet endroit alors que j’étais allongé sur les déchets pour me protéger le dos, et que la barrière pour me protéger des potentiels tirs était collée à moi ? Je sais pas, demandez au tout puissant qui dirige les opérations. Enfin, vous vous intéressez plutôt à mes réactions plutôt ? Et bah ça ressemblait à ça :

« - AH PUTAIN CA FAIT M-AAAAAAH SA MERE LA PAAAARG… »

Non seulement j’avais la tête en sang à coup de table basse dans la gueule, mais en plus, ma PUTAIN DE JAMBE AVAIT SAUTE ! AAAAARGH ! Pourquoi ce genre d’emmerde n’arrive qu’à moi ?! L’adrénaline causée par la douleur avait beau m’aider à me concentrer sur ma jambe manquante, je sentais déjà le mal de crâne prendre le dessus, m’assommant presque. Je me sentais bien bien lourd alors que j’haletais et me tenait la jambe. Puis, entrouvrant les yeux légèrement, je vis une forme se poser sur moi, attendant sans doute une réaction. Entre deux soupirs et une résignations, j’arrivai à lâcher.

« - Putain… Putain… Ok… Fuck it… Bourrez-moi, connards… »

Mais alors que je m’attendais. A finir ma vie dans le Dreamland, avec tous le zèle que j’avais pour cette situation, je me sentis comme soulevé pour me remettre sur pieds, enfin, sur pied. Sautillant légèrement avec le peu de forces qui me servait pour me tenir debout, je ne cherchai plus réellement à comprendre ou à chercher une réponse, me contentant donc d’avancer. Mais un détail capta mon attention. Alors que je regardai rapidement vers mon sauveur, je remarquai la grosse chaîne en or marqué « LUX ». Je ne pouvais pas réellement faire de raisonnement là-dessus, mais cela me rappela ainsi un micro-mini détail de rien de tout…

« - Attends… Ré… Régalia… Ou est… »

Je n’avais plus vraiment la force pour parler pour le coup, c’était déjà assez difficile comme ça avec le souffle cours. Cependant, même dans cet état rachitique, je prenais compte de la situation : je devais nous aider à nous sortir de cet enfer, du mieux que je pouvais. Bordel, j’avais bien le droit à un peu de repos, non ? Claquant des doigts un instant, je fis apparaître une barrière à côté de moi, et la fit tourner autour de nous. Je ne savais pas réellement si ça pouvait nous protéger ou quoique ce soit, mais c’était la seule idée qui me passait par la tête pour nous aider à nous en sortir. Restait à voir si cela se révèlera utile ou non…

HRP:

Spoiler:

Est-ce que vous êtes là Ibza ? Plus vraiment en fait. Lâchant son ultime réplique, Vladimir céda à l'inconscience alors même qu'il changeait de bras, percevant furtivement une présence familière. De part et d'autres, les explosions fusaient dans tous les sens, les créatures et les Voyageurs s'affrontaient dans une boucherie sanglante. Le Great-Rider se sentit atterrir dans une espèce d'atmosphère cotonneuse, où il ne souffrait plus, où seul le noir l'entourait. Devant lui semblait miroiter un couloir de lumière, au bout duquel la promesse d'un avenir meilleur lui tendait les bras.

Il vit plusieurs choses jaillir de cette source lumineuse, la première étant l'image figée de sa famille, du clan Icarus au grand complet. La mort dans Dreamland avait quelque chose de nettement plus poétique que dans le réel. Lorsque quelques jours plus tôt, avant qu'il devienne Voyageur, il avait été retrouvé planté au couteau dans une ruelle sombre, sale et sans nom, ce n'était pas la lumière qu'il avait vue. C'était simplement le néant, avant que le rêve ne rattrape sa conscience et lui présente la face cauchemardesque du Grani originel. Grani originel qu'il avait finalement dompté, devenant Voyageur, découvrant Dreamland, pour finalement arriver cette nuit à la Dream Box, et subir de plein fouet la réalité d'un monde différent.

Eviter la mort pour y passer si peu de temps après ? Pas question ! Il s'était déjà relevé dans le réel, il se relèverait une seconde fois dans le rêve ! Preuve en était faite: il sentit le putain de bourre-pif que lui distribua Diavolo. A ce moment, Pooka, complètement paniqué, dépopa dans un nuage de fumée, complètement vidé par l'attaque du Prince de Guerre. Oh, cela ne réveilla pas l'Invocateur, il était toujours dans le noir, et les figures défilaient devant ses yeux alors même qu'une ou deux dents étaient expulsées de sa bouche.

Il vit ensuite Epona Regina, la vraie. Pas simplement une représentation du subconscient. La créature était bel et bien là, présente en lui, tout simplement parce qu'elle était son pouvoir. Elle ne dit rien. Elle se contenta de le rassurer par sa présence majestueuse. Est-ce qu'il avait fait ce qu'il fallait jusqu'à présent ? Au vu du museau qui lui caressait doucement le visage, il conclut que oui. Ha, le Great-Rider de cette génération n'était pas allé très loin ! Mais il n'avait jamais voulu aller loin. Tout ce qu'il désirait lui, c'était être sur ce chemin, et de l'arpenter, tant qu'il le pouvait. Profiter des rencontres, tirer le meilleur de l'humain et de la créature. Dommage, ça avait été bref, mais le peu qu'il avait vu l'avait émerveillé. S'il regrettait quelque chose ? Pas la moindre. Alors qu'il mourrait dans Dreamland malgré les tentatives désespérées de l'infirmière pour le ranimer, un sourire se gravait avec intensité sur son visage blessé et fatigué. Il acceptait totalement son sort.

Alors que la vie le quittait, elle explosa en Grani. Le dernier fragment d'existence du Great-Rider s'éveilla, battit frénétiquement des ailes pour s'élever au-dessus du sol, et prit conscience de la situation. Diavolo étendu au sol dans un état déplorable, l'infirmière déterminée au-dessus de son Rider... et son Rider, justement. Le Guide chevalin était lié à ce dernier, de bout en bout, du début à la fin. Il sentait l'existence onirique de Vladimir s'évanouir, et avec lui, la sienne. Une larme coula sur ses naseaux. Il n'avait rien à dire, juste à constater. L'Invocateur lui avait donné le jour, et maintenant, il allait mourir. C'était ainsi, que pouvait-il faire à part attendre ? Se débattre ? Maudire Epona Regina ? Fuir ? Au fond de lui, la disparition du garçon le peinait plus qu'il ne l'imaginait. Quel sens donner à ça ?

L'arrivée des gardes d'ETA fut inespérée. Béat d'admiration incohérente, l'ancien Cheval Cauchemar ouvrit grand la bouche pour dire quelque chose, mais rien ne vint. Il se contenta de sourire en voyant la bague toucher le front de son Voyageur.

Et puis, Vladimir sentit la lumière l’envahir, recouvrir totalement le noir obscur cotonneux. A l'absence de sensations se substitua la chaleur brûlante du soleil, qui imprégna la moindre fibre de son corps, jusqu'à la dernière pointe de sa tignasse cuivrée. Jusqu'à ses bras manquants semblèrent réagir à l'enveloppante température solaire. Et puis, il ouvrit les yeux. Un environnement familier. Un poster d'ACDC. Une cuisinière mal nettoyée avec une casserole encore pleine du repas de la veille. Une petite bibliothèque remplie de bouquins pour enfants, de BD et de mangas de troisième ou quatrième main. Le matelas usé sur lequel il était étendu. Le jeune homme porta la main à son front. Il avait bien une main.

Sourire. Sa roulotte. Ses souvenirs. Un peu de fièvre.

Le réveil indiquait quatre heures du matin. Dans deux heures, il devrait se lever pour passer à la maintenance de la grande roue. Il se redressa doucement, se massa les yeux, bailla, se gratta la tête. Dreamland était toujours présent à son esprit.

Il se leva, alla se servir un verre d'eau qu'il engloutit, avant d'enfiler rapidement un pantalon. En sortant de sa cabine, il jeta un regard bienveillant au reste des caravanes, dont tous les occupants semblaient dormir en paix. Vladimir prit une profonde inspiration, s'étira, et se dirigea vers les sanitaires du parc, passant entre les bungalows desquels jaillissait parfois un ronflement. Y'avait-il des Voyageurs parmi le clan Icarus, ou n'était-il composé que de doux rêveurs ? Leurs rêves étaient-ils calmes ou agités ?

Le jeune forain sourit, et continua son chemin.