All I want for Christmas is... to remain alive ! [PV Yuke]

JOUR 1

Apocalypto... Le Sphinx avait été obligé d'endurer le scénario bancal d'un film catastrophe afin de s'y retrouver. Maintenant qu'il était contraint de se barricader dans un centre commercial, fuyant devant une véritable armée de zombies londoniens (reconnaissables à leurs râlements so british), il commençait à comprendre où Makuragi voulait en venir. Quelques zombies n'étaient pas un problème pour un Voyageur de sa trempe, mais plusieurs milliers de créatures... C'était une autre paire de manches !

D'autres réfugiés étaient présents, c'était d'ailleurs eux qui avaient eu l'idée du centre commercial. Le masqué s'était contenté de suivre ces survivants aux oreilles pointus qui avaient l'habitude de devoir survivre chaque jour à des catastrophes plus imprévisibles les unes que les autres. Dans cette zone-ci du royaume, une épidémie d'un nouveau virus, mélange de la grippe et de la rage, avait sévi. Le résultat était que, même si les morts ne revenaient pas à la vie, tous les êtres infectés se retrouvaient à se déplacer lentement et à avoir d'énormes bouffées de colère.

Et le Sphinx n'était pas certain que son statut de Voyageur le protégeait de ce virus, d'où son désir de ne pas combattre les créatures. La nuit allait être longue...

JOUR 11

Survivre à l'épidémie d'il y a une dizaine de jours n'avait pas été facile. Après que les portes du magasin eut cédé sous le poids de milliers de citoyens enragés, le Sphinx s'était retrouvé à devoir courir pour sa survie, s'engouffrant dans les escalators afin de prendre d'assaut les étages supérieurs tandis que ses partenaires de survie étaient contaminés les uns après les autres.

Finn, James, Jane, Roger... Il n'avait pas pu s'empêcher de les écouter se raconter mutuellement leurs histoires, leurs expériences, leurs rêves et leurs craintes. À présent, il portait le deuil de ces simples créatures des rêves qui avaient eu la malchance de naître dans le pire des royaumes.

Il avait échoué lors de cette première nuit puisqu'il avait été contraint de s'envoler du toit du centre commercial afin d'assurer sa survie. Il était ici pour devenir plus puissant et donc pour renoncer à la fuite, mais il s'était montré trop faible, ayant eu peur de voir son existence onirique s'arrêter ici.

À présent, il faisait face à une nouvelle sorte de catastrophe. Une pluie de météores ravageait le Times Square onirique où il se trouvait, avec une poignée d'autres habitants. Il était donc contraint de se rouler en boule tandis que de violentes secousses étaient causées par la rencontre entre le sol bétonné et la masse de matière extraterrestre constituant ces amas rocheux de plusieurs mètres de diamètre. Mais le pire s'était produit lorsque les météores s'étaient mis à bouger, sortant des cratères qu'ils avaient créé comme des crabes pour se ruer sur des créatures désemparées afin de les écraser sous leurs gigantesques pattes rocheuses, et de les agripper avec des tentacules énormes.

Les appendices dantesques avaient surgi de la croûte rocheuse à une vitesse effarante, se déployant comme une armé de gigantesques vers. Certains s'enfouissaient dans les égouts, avant de ressortir par des bouches d'égout de manière à surprendre les fuyards.

Il y avait beaucoup de cris, de pleurs, de plaintes, tout un brouhaha sonore qui ne parvenait pas à se faire étouffer par les craquements et les explosions sonores produites par la chute des immeubles sur le sol, ou par la destruction des trottoirs new-yorkais.

Devant ce spectacle apocalyptique, le Sphinx continuait de boire son café, attablé derrière l'une des tables en métal peuplant Times Square. Il commençait à s’accommoder à toutes ces catastrophes incessantes, à ne plus se préoccuper du sort de son prochain. Il avait fini par comprendre qu'on ne pouvait pas sauver tout le monde et que, pour conserver sa santé mentale, il fallait être capable de jouir des petites choses.

Il savourait donc le nectar produit par un grain bien moulu et torréfié, profitant que les espèces d'astéroïdes géants et intelligents ne l'avaient pas encore pris pour cible. Il avait survécu à une invasion de cafards géants, à une coupure d'internet à l'échelle planétaire, à des tremblements de terre d'amplitude 9 et des tsunamis (il avait été obligé de tricher et de s'envoler), à une secte de dératiseurs et leurs bombes insecticides surpuissantes et à quelques autres catastrophe plus ou mois graves.

Il n'avait pas eu la chance de croiser Super Sauveur dans toute cette affaire, même s'il avait beaucoup entendu parler du Voyageur de la ligue S. En fait, il n'avait pour le moment pas rencontré le moindre autre Voyageur dans ce royaume. Cela allait changer.

Ayant fini son café, il se leva et se mit à courir. Puisque les créatures semblaient empressées à dévaster les buildings et les monuments, il était plutôt intelligent de tenter sa chance dans les égouts, afin de n'avoir à combattre que les tentacules des météorites. C'est donc le choix que fit le masqué, qui décida de sauter dans la bouche d'égout la plus proche, afin d'y tenter sa chance.

Il y tomba à nez à nez face à une espèce d'ado albinos aux oreilles arrondies.

- Salut.

Un détail que ne pouvait pas manquer de remarquer son vis-à-vis : le masque du Sphinx avait l'apparence du blondinet souriant du jeu Fallout.

JOUR 11 – 15h24 (heure onirique)

- Sphinx, lâcha le masqué en guise de présentation.

Des nuits entières passées à Apocalypto avait rendu le masqué aussi économe en mots et aimable qu’une pierre. Même s’i s’agissait de Dreamland, voir des créatures des rêves mourir chaque nuit avait de quoi endurcir le plus tendre des  cœurs, et le Sphinx n’avait jamais été un grand sentimental.

Il écouta avec attention le vacarme qui régnait à l’extérieur, notant dans un recoin encore sain de son esprit l’apparition d’une centaine de flocons de neige dans les égouts. La température avait chuté de quelques degrés et le rire diabolique d’une espèce de père Noël n’aidait pas à leur réchauffer le cœur.

Le jeune adolescent se rapprocha de l’ouverture afin de voir ce qu’il se passait à l’extérieur et le Sphinx le laissa faire : la dernière fois qu’il avait vu quelqu’un s’approcher d’une ouverture ainsi, par curiosité, une espèce de limace géante et radioactive lui avait sauté à la gueule, lui faisant fondre le sommet du crâne. Lorsque le Sphinx s’était débarrassé de la limace en lui montrant qu’il était plus corrosif encore, le visage de sa victime semblait être passé au micro-onde...

Bref, le Sphinx transforma son bras en trompe et le braqua avec prudence au-dessus de la tête de l’ado, se demandant s’il serait plus rapide que la tentacule/limace/créature indicible qui tenterait probablement de lui tomber sur la gueule.

Il écouta ensuite le jeune Voyageur lui faire un rapport rapide de ce qu’il avait pu apercevoir. Il semblait qu’un père Noël faisait le ménage au-dessus, tuant les monstres à grand tour de bras. Un Voyageur lambda aurait pu considérer que le vieillard débonnaire au rire facile pouvait se révéler être un allié potentiel et sortir de sa cachette pour lui proposer une alliance.

Mais pas Sphinx. Après dix jours de galère, il avait compris une chose sur le royaume apocalyptique : il vous prouvait à chaque instant que la situation pouvait encore empirer et ne vous laissait jamais de répit.

- Calme-toi, petit. Jusqu’à preuve du contraire, je suis le seul Voyageur de ce foutu royaume. Rien ne me dit que les aliens n’ont pas balancé de gaz hallucinogène dans les égouts... Tu pourrais bien n’être qu’une hallucination !

Méfiant était devenu un adjectif bien trop faible pour qualifier le Sphinx. Mais on ne survivait pas dans la quatrième zone en enfilant des perles... Il désigna une des galeries des égouts qui semblait s’enfoncer davantage dans le dédale souterrain new-yorkais.

- J’ai bien envie de me casser par là, histoire de voir si je peux trouver un endroit où me poser. Je commence à en avoir marre de passer mes journées à me battre et à utiliser mes pouvoirs jusqu’à leurs limites. Aujourd’hui, c’est jour de repos !

Il lança tout de même un regard en coin au jeune homme, afin de voir sa réaction. Après réflexion, il doutait que le garçon soit le fruit de son imagination et comptait l’aider et ne pas partir en mode connard si l’albinos se décidait à aller dehors, afin d’affronter le vieillard et ses animaux de compagnie.

JOUR 11 – 15h28 (heure onirique) – Quelques kilomètres plus loin, dans une salle remplie d’instruments de mesures et d’hommes habillés de redingote.s

Une espèce d’échalas au teint blafard montre d’un index tremblotant deux points blancs qui clignotent sur un radar.

- Ils sont deux. Ce sont des Voyageurs et ils se trouvent à quelques mètres de l’entrée Ouest de la Ville.

- Deux ? DEUX ?! Mais nous n’avons pas vu une telle concentration de Voyageurs depuis... depuis très longtemps ! Continuez à surveiller leurs faits et gestes et vérifiez qu’ils quittent les égouts !

- Et que fait-on s’ils décident de rester là ou, pire, de continuer leur route ? Ce sont des Voyageurs, nous ne pouvons pas nous contenter d’envoyer les chiens ou d’inonder les souterrains comme nous le ferions pour les Autres...

- Si jamais cela arrive, envoyez l’Exterminateur !

Un silence soudain emplit la pièce tandis que toutes les personnes présentes regardent le Grand Décideur de Tout  avec gêne. Finalement, l’un d’eux se râcle la gorge.

- Ahem, c’est que l’Exterminateur a posé son congé paternité...

-Ah... Bah... Envoyez l’Exterminateur 2 !

Un silence embarrassé constitue la seule réponse qu’obtient le chef suprême, tandis que les mots « Vacances » passent sur toutes les lèvres..

-Ahem... Le 3 alors ?... Ou bien le 4 ?

Le Sphinx et Yuke semblaient avoir encore pas mal de temps devant eux avant d’être inquiétés par une quelconque menace...

JOUR 11 – 15h33 (heure onirique)

Les Citoyens n'avaient pas de soucis à se faire concernant cette soudaine concentration de Voyageurs. Plutôt que de continuer leur chemin, Yuke puis le Sphinx avaient décidé de regagner la surface afin de trouver refuge dans un hôtel. Au départ, le masqué avait hésité à emboîter le pas au petit albinos mais il s'était senti piqué au vif par l'attitude du Voyageur moins expérimenté.

Contrairement à Sphinx, la non-hallucination était bien décidée à combattre durant cette nuit.

* Je vais quand même pas me tourner les pouces pendant qu'un autre Voyageur se fait tuer par excès de zèle ! Et puis, ça ne me ferait pas de mal de continuer à m'entraîner ! *

Le Sphinx n'eut pas le temps de trop peser le pour et le contre car le jeune adolescent venait déjà de gagner la surface, sans lui laisser le temps de réagir. Poussant un soupir, le masqué déploya ses ailes et le rejoignit.

La situation à la surface ne s'était pas améliorée, bien au contraire : des aliens verdâtre dont la taille variait entre deux et trois mètres surgissaient part et d'autres des météorites qui semblaient être de véritables véhicules vivants.

Attirés par le sang comme des mouches, les extraterrestres déchiquetaient les rêveurs et les créatures des rêves encore survivantes avec une dentition à faire fuir un requin. Certains d'entre eux se précipitèrent vers le Sphinx, et le regrettèrent.

Le masqué s'était équipé d'un lampadaire et leur en porta un coup qui les envoyèrent voler à travers les vitres de l'entrée d'un hôtel plutôt luxieux. Là, une explosion accueillit les aliens et des morceaux de matière verdâtre et gluante tombèrent un peu partout.

Chanceux, le Sphinx avait balancé les extraterrestres à l'endroit où le père Noël avait laissé l'un de ses cadeaux piégés. Cette réussite critique arracha un sourire au masqué qui finit par se détendre. Après tant de nuits à limiter l'utilisation de son pouvoir pour s'entraîner à l'économiser, cela faisait un bien fou de lâcher prise et d'envoyer bouler d'un simple coup plusieurs centaines de kilos de prédateurs d'une autre galaxie. Il chercha du regard l'albinos qui ne devait normalement pas être trop loin et finit par le repérer : adossé contre une poutre qui était tombée durant l'effondrement de l'étage supérieur de l'hôtel, le Voyageur semblait blessé à la jambe.

- Hey ! Ça va ? Je retire ce que j'ai dit, tu n'es certainement pas une hallucination... Que dirais-tu de repartir dans les souterrains ? C'est un véritable terrain de mines à la surface et, si le père Noël nous repère et s'en mêle, je ne suis pas totalement certain qu'on puisse s'en sortir...

Comme pour confirmer ses craintes, un cadeau piégé tomba non loin d'eux... Il allait falloir courir se mettre à l'abri ! Le Sphinx aurait pu balancer le cadeau au loin mais il avait peur que l'explosif se déclenche à cause du choc. Il proposa son bras à Yuke, afin de le porter si le Voyageur en avait besoin.

JOUR 11 – 15h33 (heure onirique)

Ronald, alias Exterminateur 7, salue une dernière fois sa femme avec l'énorme hachoir métallique qui lui sert de main.

- Tu as bien pensé à prendre ta trousse de toilette, mon chéri ? demande la jolie jeune femme vêtue de haillons qui court derrière la montagne de muscles et d'acier.

Le colosse de fer se contente de pousser un bruit venue des tréfonds des profondeurs, tandis que son scaphandre émet une couleur verdâtre. D'un index aussi gros qu'un rondin, il désigne une minuscule trousse sur laquelle un bonhomme souriant et un soleil ont été dessinés. L'objet pend mollement au ceinturon du géant, accompagnant une énorme masse d'armes, une scie circulaire, un marteau et un filet à papillon électrifié car les souterrains sont parfois peuplés de nuées de phalènes cauchemardesques.

Ronald est composé d'un gigantesque scaphandre de trois mètres de haut et d'un mètre quarante de large, duquel émane une odeur de sueur, de cuivre et d'anabolisants.

S'éloignant de la petite station de métro où s'étend la Cité, l'Exterminateur 7 s'enfonce dans les tunnels obscurs, décidé à affronter la Némésis du Grand Décideur de Tout (aussi appelé GDT).

JOUR 11 – 16h03 (heure onirique)

La fuite à travers la ville ne fut pas aisée, même pour un homme-papillon qui se déplace avec une adresse exceptionnelle pour la vitesse qu'il déploie. Les tentacules frappent l'air sans rencontrer de résistance, ne parvenant pas à toucher le Sphinx et son fardeau. Quant aux cadeaux explosifs, leurs explosions résonnent de plus en plus loin tandis que nos compères s'éloignent de plus en plus, jusqu'à finalement arriver devant l"entrée d'une station de métro qui semble avoir été épargnée par les extraterrestres.

Le masqué déposa Yuke au sol et examina les environs, puis ils descendirent les marches menant à la station du métro, s'enfonçant dans les souterrains. Yuke était en train d'emmagasiner de l'électricité entre ses mains, déclarant que les environs semblaient moins sûr que dans la ville. Le masqué ne pouvait que lui donner raison, à Dreamland et particulièrement dans cette zone, les moments de calme étaient bien trop souvent indicateurs de danger.

Au loin, dans un tunnel qui se dirigeait vers l'Est, des bruits de succion produisaient un vacarme indicible. Il s'agissait certainement des tentacules des météorites qui continuaient de fouiller les souterrains à la recherche de survivants. Les échos qui résultaient de leur fouille contrastaient terriblement avec le silence qui régnait dans le tunnel où les deux Voyageurs se trouvaient et de la sueur commençait à perler sur la tempe du Sphinx.

Ploc. Ploc. Ploc. (#roman de gare) Il s'était mis à pleuvoir à l'extérieur et l'eau s'infiltrait à travers les parois du métro new-yorkais, ponctuant chaque inspiration des Voyageurs avec une régularité à faire mouiller son froc à beaucoup de Voyageurs endurcis.

Le Sphinx s'arrêta et entreprit de se calmer. Si on omettait les étincelles bleutées produites par Yuke, ils étaient dans le noir complet. Yuke indiqua au Sphinx qu'il avait trouvé un chemin praticable qui remontait vers la surface, mais le masqué ne lui répondit pas. Les poils de ses bras se hérissaient tandis que ses sens insectoïdes tentaient de l'avertir d'un danger.

Ploc. Ploc. Silence.

Le goutte à goutte venait de cesser comme si l'eau ne tombait plus sur le sol mais... sur le dos d'une créature gigantesque. Une tentacule semblant venir de nulle part fendit soudainement l'air et le Sphinx, qui était sur la défensive, sauta de côté pour l'esquiver.

Il se demanda si son compagnon avait eu autant de réflexes que lui...

- On est pas tout seul.

* Non, c'est pas vrai Yuke ? J'étais pourtant persuadé que cette tentacule appartenait à l'un de nous ! pensa cyniquement le Sphinx.

Yuke ne se contenta pas d'esquiver et parvint à transpercer le monstre par le biais d'un enchainement d'actions plutôt classe. Il se mit ensuite à marcher d'un pas décidé vers la surface mais le Sphinx l'arrêta en lui attrapant l'épaule, et le ramena vers lui. Puis, il lui glissa à l'oreille.

- Tu n'entends pas, Yuke ? Le goutte à goutte n'a toujours pas repris... Il y a quelque chose qui rode, dans l'ombre, et qui attend que nous lui tournions le dos pour nous attaquer. Tu vois cette zone entièrement plongée dans la pénombre, à ta gauche ? C'est de là que venait le ruissellement, essaie de balancer un arc électrique afin d'extirper de sa cachette notre visiteur...

Le Sphinx contracta ses muscles et fit disparaître ses ailes, qui ne lui serviraient à rien lors d'un combat souterrain même si le diamètre du tunnel était suffisamment large pour qu'il puisse voler.

Il aurait pu envoyer des phalènes en éclaireurs afin de sonder l'intrus mais il voulait voir de quoi était capable le jeune contrôleur de foudre qui l'accompagnait.

Il lâcha l'épaule de Yuke et se pencha au sol pour ramasser un bout d'encadrement de porte du métro qui pourrait servir de solide barre d'acier. Prenant une posture digne d'un joueur de baseball, il s'apprêtait à envoyer sa batte improvisée dans le corps de l'intrus dès que Yuke l'aurait révélé.

JOUR 11 – 16h12 (heure onirique)

La lance électrique lancée par le jeune homme éclaira la zone d'ombre, révélant une immense armure métallique à côté de laquelle le masqué faisait office de nabot. Tandis que le Sphinx observait le phénomène, Yuke attrapa son bras droit pour le pousser en retrait tout en lui indiquant ce qu'il avait déjà constaté : la foudre ne semblait pas affecter la créature.

Poussant une espèce de cri étrange qui ressemblait à un grincement métallique, la créature se jeta sur eux afin de les découper à l'aide d'une scie circulaire. Pendant que Yuke s'éloignait de la charge bestiale d'un bond sur le côté, le masqué esquiva l'attaque en se décomposant en deux nuées de phalènes qui s'engouffrèrent dans l'espace entourant le scaphandre pris de folie meurtrière.

Emportée par son élan, la créature leur laissa suffisamment de répit pour que les deux Voyageurs puissent échanger quelques paroles. Yuke demanda au masqué s'il allait bien et s'il avait un plan. L'homme-papillon, qui venait de se recomposer, arborait un sourire que son compagnon ne pouvait voir.

- T'inquiète pas, je vais nous en débarrasser, se contenta-t-il de répondre, en ramassant la barre métallique qui était tombée au sol lors de sa décomposition en papillons de nuit.

Yuke s'était relevé et faisait face au monstre, dos au mur. Non loin de là, le Sphinx observait le jeune homme, se demandant s'il devait ou non intervenir. Il ne serait pas toujours sur la route du jeune contrôleur de la foudre, prêt à lui tendre la main. Il décida donc de le laisser se débrouiller seul pendant quelques secondes de plus, curieux de voir ce que le jeune homme avait en réserve.

Yuke se montra à la hauteur des espérances de Sphinx. Faisant preuve d'une grande agilité pour un jeune Voyageur et de solides nerfs, il eut le culot de tenter de passer en force pour rejoindre le masqué sans prendre trop de dégât, mais fut cueilli au flanc gauche d'un solide coup de bras qui l'envoya valser.

Le colosse de métal s'approcha alors de lui, histoire très certainement de finir le travail. Sa scie circulaire se mit à tourner, produisant un bruit plutôt sinistre et désagréable. Elle ne manquerait pas de faire des étincelles lorsqu'elle rencontrerait une résistance...

- Finalement, je n'aurais même pas besoin de ça...

Le jeune homme laissa tomber sa batte improvisée au sol, ayant une idée en tête. Devenant une seconde fois nuée, il se rematérialise entre la créature de fer et sa cible. Puis, il attrape le bras tenant la scie circulaire et, bandant ses muscles, déploie une force si extraordinaire qu'elle parvint à gondoler l'acier et à faire fléchir la puissante musculature du géant de trois mètres dopé aux anabolisants expérimentaux. La scie circulaire se mit à produire de grandes étincelles tout en découpant l'acier composant la carcasse du géant, éclairant le sourire satisfait de Fallout boy a.k.a le masque du Sphinx.

Très intelligent, Ronald laisse alors échapper sa scie circulaire et porte ses deux mains à son ceinturon afin d'attraper sa masse d'armes et son marteau, dont il porte un coup au Sphinx. Afin que Yuke ne prenne pas de dommages collatéraux, le masqué se laisse frapper et décoche un coup de pied au titan d'acier qui se retrouve projeté en arrière, de quelques mètres, et finit par tomber sur le dos. Les côtes endolories par le choc qu'il vient de recevoir, le Sphinx ne prend pas le temps de retrouver pleinement sa respiration et se transforme en nuée de phalènes afin de se lancer à la suite de son adversaire.

Le casque de l'homme-scaphandre s'éclaire d'une lueur rouge plutôt sinistre et sa main gantée lâche son marteau pour attraper son filet à papillon électrifiée qu'il jette sur la nuée de phalènes qui s'approche dangereusement de lui. Au contact des mailles électrifiées, les papillons cessent de battre des ailes et tombent au sol, telle une pluie de mouches mortes. Ils sont peu à peu remplacés par le corps inconscient du Sphinx, dont la respiration paisible indique qu'il est encore vivant.

Le masqué a une nouvelle fois sous-estimé un adversaire et il l'a cette fois-ci payé le prix fort. Ronald se relève difficilement et se tourne vers Yuke, qui est le seul intrus encore conscient. Son casque émet une lueur verte tandis qu'il désigne, de son bras, une direction. Il semble vouloir que Yuke le suive sans faire d'histoires.

Le colosse de métal se penche ensuite sur le corps inconscient du Sphinx qu'il ramasse et pose sur son épaule. La main gauche posée sur le Voyageur masqué, la droite enserrant son marteau, il semble fin prêt à combattre le contrôleur de foudre si ce dernier préfère ne pas le suivre.[/i]

JOUR 11 – 16h42 (heure onirique)

Un choc électrique parcourut le masqué et ses yeux s'ouvrirent d'un coup. Il étouffa un cri de stupeur et profita que son masque dissimulait son visage pour observer les environs sans que l'on puisse savoir qu'il était de nouveau conscient. Il semblait emmailloté dans un filet pas suffisamment résistant pour qu'il ne puisse s'en défaire en utilisant légèrement sa force.

Il décomposa ses ongles en papillons de nuit et envoya ses espions ailés dans les quatres direction, dans le but d'obtenir le plus d'informations possibles.

Yuke se tenait à ses côtés et leur adversaire métallique également. Ils se trouvaient dans une salle plutôt vaste, une espèce de station de métro désaffectée, où l'éclairage était vif et ne laissait aucune zone d'ombre. Il y avait même quelques lampadaires de ci-et-là derrière lesquels certaines créatures se dissimulaient, semblant avoir peur des "intrus".

Il y avait également créatures lourdement armées qui gardaient une porte sacrément grande et certainement blindée. Elle s'ouvrit légèrement afin de laisser passer une petite escouade de gardes armées de vieux tromblons, et se referma très rapidement.

L'un des gardes se gratta l'arrière de la nuque, ses doigts passant à quelques centimètres du phalène qui s'y était posé. L'espion du Sphinx bougeait ses antennes dans tous les sens, captant le maximum d'informations possibles afin de les restituer le plus fidèlement possible à son maître par le biais du lien télépathique qui les unissaient.

JOUR 11 – 16h47 (heure onirique) – Point de vue du phalène

L'intérieur de la salle était rempli d'appareils de mesures et d'hommes en redingote, qui surveillaient des dizaines d'écrans. Certains de ces écrans montraient des espèces d'immenses cuves dans lesquelles des humanoïdes difformes et gigantesques étaient plongés : très certainement les futurs candidats au prestigieux statut d'Exterminateur.

Au milieu de la salle, un homme minuscule vêtu d'une blouse de chimiste taille enfant était assis dans une poussette et s'exprimait avec la voix grave et assurée d'un homme qui sait ce qu'il fait.

- Que me dites-vous ? Les deux Voyageurs ont été capturés et l'un d'eux a été identifié comme étant Sphinx, l'un des Voyageurs les plus renommés de la ligue Major et que l'autre se trouve être un contrôleur de la foudre ? Mais c'est génial ! Si l'un de mes bébés est parvenu à mettre hors de combat un Voyageur vétéran et un contrôleur élémentaire, cela signifie qu'une armée de mes enfants pourraient conquérir DREAMLAND !

- Ahem, c'est qu'il y a beaucoup de Voyageurs dans Dreamland... D'après nos calculs, il vous faudrait environ 865412 Exterminateurs pour conquérir ne serait-ce que le Royaume Obscur, or il ne nous reste qu'une centaine de sujets à transformer...

- Vous n'avez pas encore mis au point l'accélérateur de naissances ?

- Mais Grand Décideur de Tout, vous avez mis le projet "Baby boom" en stand-by afin, selon vos termes, de consacrer notre temps à améliorer le bien-être et la santé mentale de nos Exterminateurs. Vous avez même mis en place un système de vacances, de congé paternité et vous vous apprêtiez à nous parler de la semaine de 45 heures lorsque les Voyageurs ont été détecté par nos radars...

- Ce que vous dites a du sens, mon cher. Je vous prie de m'excuser de mon emportement, toute cette agitation m'a fait oublier de prendre mes pilules de sagesse. Quelqu'un aurait-il l'amabilité de me les apporter ?

L'un des hommes en redingote se précipita devant le berceau et s'inclina, posant respectueusement son genou au sol.

- Tout de suite, Grand Décideur !

Pendant que le lèche-bottes s'affairait à trouver les pilules du maître miniature en farfouillant dans un fatras de feuilles et de dessins d'enfants (à destination du Petit Père du Peuple), le chef de l'escouade qui venait de franchir la grande porte se râcla la gorge.

- Oui ? Plaît-il ?

- Grand Décideur de Tout, que fait-on des prisonniers ?

- Laissez-les sous la garde de l'Exterminateur 7 et prévenez le peuple : je vais faire une annonce.

Le militaire fit une rapide révérence, se retourna et prit le chemin de la porte. L'un de ces soldats finit par trouver la source de ses démangeaisons et écrasa avec un plaisir sadique le phalène qui s'était posé sur sa nuque.

Crzzzzzzz.... .....

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JOUR 11 – 16h54 (heure onirique) – Point de vue du Sphinx et de Yuke

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Le masqué avait passé les sept dernière minutes à jouer les inconscients afin de se concentrer sur les informations glanées par l'être issu de l'ongle de son index. Il en savait à présent davantage sur ce lieu et les forces en présence. Il jeta un rapide coup d'oeil à la créature vêtue d'un scaphandre qui l'avait très certainement transporté jusqu'ici. Vu de plus près et à la lumière des lampadaires, la créature semblait moins impressionnante et une très vilaine entaille fendait sa cuirasse là où le masqué était parvenu à planter la scie circulaire.

C'était un adversaire puissant dont le masqué respectait à présent la puissance, mais dont il n'aurait aucun mal à triompher s'il ne faisait plus l'erreur de se transformer en nuée de phalènes, car cela le rendait très vulnérable aux attaques élémentaires et aux dégâts de zone.

Des créatures les observaient à la dérobée et un garde ne tarda pas à leur indiquer qu'elles devaient rejoindre le centre de la station dans l'attente d'un discours du maître des lieux. La zone autour des "prisonniers" ne tarda pas à se déserter et il ne resta bientôt plus que
Ronald, le Sphinx et Yuke qui s'était affalé sur le morpheur comme sur un sofa, tout en commentant les événements.

Le masqué lui aurait bien répondu deux-trois phrases amicales afin de le rassurer mais le plan qu'il mijotait dans sa cervelle nécessitait que l'assemblée le prenne pour inconscient. Il tenta tout de même de chuchoter à voix très basse quelques phrases, en espérant que le contrôleur de la foudre l'entende.

- Lorsque leur maître commencera son discours, je te charge de t'occuper de notre geôlier. Il y a une brèche dans son scaphandre, par laquelle tes éclairs pourront s'engouffrer. Bonne chance.

Puis il se tut, espérant que la gigantesque masse de muscles et d'acier ne se soit pas rendu compte de sa reprise de conscience. Le géant ne réagissait pas et regardait en direction d'une estrade créée à l'aide de morceaux de rames de métro. Trois colosses en armure escortaient un vieil homme en redingote qui poussaient un landeau en direction de l'estrade.

* Whaaaaaaaat ? Bon, je vais pas attendre que cet enculé ait pris sa place pour passer à l'action !

Et, alors que toute l'attention était tournée en direction de l'occupant de la poussette et du micro qu'il s'apprêtait à porter à ses lèvres, le Sphinx fit exploser le filet qui l'entravait en bandant ses muscles, déploya ses ailes et fondit sur l'estrade où il attrapa le landeau tout en évitant les ancres que lui balançaient les terrifiants Exterminateurs.

Prenant de la hauteur et attirant l'attention de tous les occupants de la station, il constituait une diversion suffisamment remarquable pour que Yuke puisse se débarrasser de son gardien et prendre la poudre d'escampette -ou lui prêter main forte- sans trop être gêné par la trentaine de gardes armés et la dizaine d'Exterminateurs qui n'avaient pas pris leurs congés à cette période de l'année.

En effet, la totalité des effectifs de la station était concentré sur le masqué et sa proie, tandis que le faux bébé s'égosillait d'une voix grave dans son micro.

- Tuez-le ! Mais tuez-le, bordel !

Au sol, un grand échalas maigre se lamentait en se frottant les mains, déclarant à qui voulait l'entendre que si le Grand Décideur de Tout n'avait pas oublié ses pilules de sagesse, il se serait rendu compte que ses ordres mettaient son existence de nabot en danger.

JOUR 11 – 17h00 (heure onirique)

Passer du statut de sac de patates à ennemi public numéro un avait quelque chose de jouissif qui arrachait un sourire jovial au Sphinx. Portant de manière nonchalante le berceau contenant sa victime, il observait la foule qui s'amassait sous lui avec un plaisir manifeste. Debout dans la poussette, un homme au corps de nourisson s'égosillait de toutes ses forces à l'adresse de ses forces armées qui étaient vraisemblablement impuissantes.

- Je vous prie de tout mettre en oeuvre pour anéantir ce Voyageeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeuuuuuuuuur !!!

Il se passa alors une chose plutôt étrange : les serviteurs du Grand Décideur de Tout, qui jusqu'à présent avaient hésité à tirer sur le Sphinx par peur de blesser leur leader, changèrent tous d'attitude. Les masques des Exterminateurs prirent une teinte jaunâtre tandis que les muscles à l'intérieur de leur scaphandre gagnaient en volume, craquelant leurs armures. Chacun d'entre eux attrapèrent leurs ancres et les projetèrent sur le masqué qui les esquivait en virevoltant de manière gracieuse dans les airs.

Les parties métalliques s'enfoncèrent dans la voûte du métro comme dans du beurre avant de retomber et des fissures ne tardèrent pas à apparaître. Les géants de fer ramassaient inlassablement leurs ancres et le projetaient en direction du Sphinx, le manquant toujours de justesse mais entamant sérieusement la solidité de la paroi censé retenir des tonnes et des tonnes de terre.

Comme si cela ne suffisait pas, la trentaine de créatures armées tiraient sur le masqué avec des tromblons et il devait bouger sans cesse pour esquiver le gros de leurs attaques. Quelques balles parvenaient tout de même à l'atteindre (nous étions à Dreamland, pas dans un film de Michael Bay) mais la chitine protégeant le morpheur insectoïde l'imunisait presque contre ce genre de dommages contondants. C'était le privilège à faire partie de la crème de la crème des Voyageurs.

* Hahahaha ! C'est tellement jouissif, putain ! C'est tellement plus intéressant d'affronter de réels risques plutôt que de rester dans la première et la seconde zone à se faire chier à remballer les quelques Voyageurs de seconde zone qui en veulent à mon classement ! Enfin, il faudrait quand même que je fasse gaffe à Yuke, ce serait dommage que le pauvre garçon y laisse la vie... Surtout que tout risque de s'effondrer !

Le masqué commençait à avoir tellement l'habitude de voler dans des conditions extrêmes qu'il pouvait se permettre de réfléchir librement en ne comptant que sur ses réflexes et ses sens insectoïdes assez pointus pour se prémunir des nombreux objets non identifiés qui lui fonçaient dessus.

Il chercha du coin de l'oeil le contrôleur de foudre, s'attendant à ce qu'il soit près d'une sortie, en train de prendre la poudre d'escampette. La réalité était bien autre, le jeune homme avait lui aussi semé le chaos grâce à son pouvoir plutôt dévastateur et avait attiré l'attention de quatre gardes qui le mettait en joue.

Etant trop loin pour combler en quelques secondes la distance qui le séparait des assaillants de Yuke, le masqué fit ce qu'il faisait de mieux : il balança l'objet qu'il tenait entre ses mains.

- Tuez-l.... AAAAAAAAAAAAAAARGH !

Les conditions atmosphériques étaient parfaites pour le lancer de nabot en poussette : pas de vent, un éclairage plutôt tamisé et quatre quilles armées de tromblons prêtes à recevoir un bébé braillard se déplaçant à la vitesse du vent.

Tout était parfait.

Les cris du faux chérubin cessèrent lors de l'impact tandis que ses sbires étaient projetés sur les côtés. Lancé à pleine vitesse, le Sphinx ne tarda pas à dépasser le chérubin qui gisait sur le sol, inconscient, et le ramassa d'une main nonchalante avant d'attraper Yuke de sa main libre. Puis, ainsi chargé, il passa non loin des restes de Ronald et s'engouffra dans le tunnel d'où ils étaient venus tandis que derrière eux, dans un fracas épouvantable, la voûte commença à s'affaisser puis à s'effondrer, des tonnes de terre recouvrant la station et ses habitants.

J'ai dit que ce rp n'avait pas été scénarisé par Michael Bay ? J'ai menti.

La partie du tunnel menant à la station de métro qu'ils venaient de quitter était à présent condamnée et il n'y avait plus de risques à craindre venant des suppôts du Grand Décideur de Tout. Le Sphinx et Yuke avaient enfin un moment de répit et le masqué comptait le mettre à profit pour décider de ce qu'ils allaient faire du mioche.

- On fait quoi de lui ? On essaie de l'interroger afin d'en savoir plus sur ce royaume ? Je te laisse le soin de le réveiller, tu m'as prouvé il y a peu de temps que tu étais très doué pour ça. Et je te laisserais te charger de l'interroger, je risque de lui décoller la tête si je n'y fais pas gaffe et cette nuit a déjà eu son lot de morts inutiles.

Le masqué s'assit en tailleur sans trop se soucier des nombreuses blessures que son partenaire avait dû récolter durant cette nuit.

- Au fait, tu t'entends bien avec Voltera ?

Même si le Sphinx était venu dans ce royaume dans le but principal de s'y entraîner, il n'oubliait pas qu'il faisait partie des Météors et que ce jeune Voyageur, qu'il avait aidé jusque là, pourrait un jour se révéler être un ennemi. Maintenant qu'ils étaient tranquilles et seuls, Yuke allait pouvoir découvrir avec joie que le masqué ne l'avait peut-être pas sorti de la merde afin de l'aider...

JOUR 11 – 17h15 (heure onirique)

Le réveil de la créature ressemblant à un nourisson se déroula sans problèmes, tout comme l'interrogation menée par Yuke. Le jeune homme avait une attitude nonchalante qui convenait parfaitement au statut de Grand Questionneur et poussa le zèle jusqu'à donner un coup de pied à l'ancien GDT afin de lui donner davantage envie de lui répondre.

Le Sphinx suivait leurs échanges sans rien dire, plus motivé par la curiosité que par un réel besoin. Ainsi, les grandes créatures vêtues d'un scaphandre étaient l'oeuvre de ce petit bonhomme et ils pourraient en avoir le contrôle s'ils lui laissaient la vie sauve et parvenaient à rouvrir l'accès à la station ? Mais quelle blague !

Premièrement, la station et ses habitants étaient probablement recouverts d'une bonne centaine de tonnes de roches et de terre, et il ne devait plus y avoir de survivants. Deuxièmement, le faux bébé avait juste espoir que ses geôliers lui permettraient de rentrer en contact avec ses créatures afin d'avoir de nouveau son armée et d'attendre que leur méfiance soit retombée pour s'en débarrasser.

En fin de compte, le petit bonhomme était un être plutôt calculateur et sournois comme le laissait supposer son statut de grand dictateur. Rien de bien nouveau. Par contre, ce qui était intéressant dans le discours du mioche, c'est que les monstres semblaient connaître les égouts. Et si ses sulbaternes avaient emmagasiné pas mal de connaissances concernant le métro et les égoûts, le masqué était certain que le GDT aussi. Il avait donc une véritable raison de ne pas broyer sa tête de poupon.

Quant au contrôleur de la foudre, il se décida enfin à répondre à la question que lui avait posé le Météor. Il expliqua qu'il n'était pas certain de s'entendre bien avec Voltera, qu'il ne la connaissait pas plus que ça. Il mentionna le nom de Cherry et l'image d'une blonde un peu débile armée d'un sèche-cheveux traversa l'esprit du masqué. Oui, il la connaissait mais Yuke n'avait pas forcément besoin de le savoir.

Une idée traversa l'esprit de Sphinx : il allait pouvoir allier l'utile et l'agréable en devenant ami avec ce jeune homme qui semblait ne pas être si proche de son seigneur que ça. Il pourrait ainsi aider ses collègues Météors et ne pas se sentir coupable d'avoir laissé la vie sauve à un ennemi potentiel. Il décida toutefois d'être franc et de répondre aux questions du jeune homme.

- Je vais répondre à tes quatre questions en une seule fois alors sois bien attentif : je suis le Sphinx, l'une des nouvelles recrues des Météors et donc l'un des ennemis de l'alliance élémentaire. Je ne hais pas tous les seigneurs cauchemars et les rois des rêves contrairement à beaucoup de mes collègues mais je pense que certains d'entre-eux méritent la mort, tout comme certains de ceux qui les servent.

Le masqué loucha sur l'index que Yuke avait posé sur son masque. Il avait cru quoi, le contrôleur de la foudre ? Et puis, c'était quoi ces manières de le qualifier de "beau gosse ténébreux" ? Il voulait sortir avec lui ou quoi ? S'il persistait à garder son index posé sur son masque, il allait perdre son bras !

Le Sphinx repoussa délicatement Yuke afin de l'éloigner de son visage. Tant pis si le gosse qui lui faisait face avait l'air sacrément allumé, il lui fallait obtenir des renseignements sur Voltera et il devait donc profiter du rapprochement qui s'était opéré entre eux, après toutes ces péripéties, pour servir ses intérêts.

- Mais ne t'inquiète pas, je n'ai rien contre les jeunes Voyageurs qui ne connaissent pas encore la réputation sanglante de leurs seigneurs. Aussi, je veux bien continuer à t'apporter mon aide aussi longtemps que tu resteras dans la quatrième zone. En échange, évite de dire à tes camarades de l'alliance élémentaire que je m'entraîne ici, je n'ai pas envie de voir débarquer tout un escadron de Voyageurs bien décidés à me faire la peau.

Le masqué attrapa le faux bébé qui était en train de souffler de manière désagréable, peut-être un peu vexé de ne pas être au centre de l'attention. De nouveau dans les mains puissantes du morpheur, l'homme miniature se mit à brailler et à agiter ses petits bras potelés dans tous les sens, croyant voir sa dernière heure venue.

- Tu connais aussi bien les environs que tes créatures, n'est-ce pas ? Ne me ressors pas de salades comme quoi tes créatures serviraient de meilleures guides, elles sont probablement toutes mortes à l'heure qu'il est.

- Euh, oui bien sûr ! Je peux vous être utile en tant que guide, je pourrais vous éloigner des tunnels infestés de papillons des profondeurs, vous éviter de passer par les stations infestées de mort-vivants. Je pourrais même vous servir de Guide jusqu'à la mythique Station 404, la seule station où le danger et les risques sont introuvables !

- La station 404, hein ? Intéressant. Cependant, nous autres Voyageurs n'allont pas tarder à nous réveiller alors aurais-tu l'idée d'un endroit où on pourrait te laisser afin que tu survives en notre absence ? T'en penses-quoi, Yuke ?

JOUR 11 – 17h30 (heure onirique)

Le masqué n'eut aucune peine à ressentir le changement d'atmosphère que sa révélation avait instaurée. Le contrôleur de foudre semblait tenir l'alliance élémentaire en haute estime et il était totalement perdu dans ses pensées, au point que le masqué se demandait si Yuke allait répondre à sa dernière questions.

Cependant le contrôleur de foudre finit par sortir de ses pensées, s'excusa et expliqua pourquoi laisser le GDT ici était une mauvaise idée. Il proposa donc de chercher une station plus accueillante pour l'y déposer, ce qui offensa légèrement le petit homme qui piqua une crise. S'ensuivit une scène plutôt coquasse où les deux énergumènes eurent une très brève altercation de quelques secondes que le protégé de Voltera emporta sans problème.

Profitant de son avantage, la pile électrique humaine sermonna le perdant et prit la tête du groupe, se dirigeant vers la prochaine station. Le faux bébé, quant à lui, marchait à côté du Sphinx et jetait des coups d'oeil inquiets à ses deux geôliers, comme s'il s'attendait à ce que l'un des deux perde les pédales et l'agresse soudainement, sans raison. Quant au masqué, il avait emboité le pas de Yuke sans trop réfléchir, observant le dos de l'élémentaire avec un petit sourire en coin.

Le silence régnait entre le trio qui progressait le long des tunnels et la situation amusait beaucoup le masqué. Il trouvait les réactions du jeune Voyageur plutôt attendrissante, comme celles d'un jeune enfant. Il était presque certain que Yuke avait une bonne opinion de l'alliance élémentaire car il les voyait comme des gentils et les météors, par extension, comme des méchants. Comment le jeune homme ne pouvait-il voir que le monde n'était ni tout blanc, ni tout noir ? Qu'il y avait du bon et du mauvais dans chaque être ?

Le Voyageur du royaume de la foudre finit enfin par ralentir son allure et marcher au niveau du masqué. Puis, il posa la question que le masqué attendait : pourquoi avait-il rejoint les météors ? Pourquoi voulait-il tuer les seigneurs et, surtout, voulait-il prendre le contrôle de Dreamland ?

Le sourire du masqué se fit aussi large que celui que possédait le petit blondinet dont il portait le masque.

- Si je réponds à tes questions, répondras-tu aux miennes en retour ? J'espère que oui, ahah. J'ai rejoint les météors parce que je considère qu'en tuant certains seigneurs, Dreamland deviendrait plus juste. Je ne souhaite pas prendre le contrôle de Dreamland mais plutôt lui rendre sa liberté, et surtout rendre leur liberté aux Voyageurs qui sont exploités par leurs seigneurs dans des guerres souvent vides de sens, qui ne servent qu'à satisfaire l'ego de leurs commanditaires. Bien sûr, certains seigneurs et rois des rêves méritent de continuer à vivre et mon respect. Mais beaucoup trop abusent de leur puissance et influence pour faire de Dreamland un monde très difficile à vivre pour beaucoup de Rêveurs et Voyageurs.

- Si je réponds à tes questions, répondras-tu aux miennes en retour ? J'espère que oui, ahah. J'ai rejoint les météors parce que je considère qu'en tuant certains seigneurs, Dreamland deviendrait plus juste. Je ne souhaite pas prendre le contrôle de Dreamland mais plutôt lui rendre sa liberté, et surtout rendre leur liberté aux Voyageurs qui sont exploités par leurs seigneurs dans des guerres souvent vides de sens, qui ne servent qu'à satisfaire l'ego de leurs commanditaires. Bien sûr, certains seigneurs et rois des rêves méritent de continuer à vivre et mon respect. Mais beaucoup trop abusent de leur puissance et influence pour faire de Dreamland un monde très difficile à vivre pour beaucoup de Rêveurs et Voyageurs.

- Tu dis ça mais tu viens d'anéantir tout mon peuple !!

- Est-ce moi qui ais donné l'ordre à tes gros bras de fracasser leurs ancres sur la voûte de la station, au risque de provoquer un éboulement ? Regarde, Yuke, voilà un bon exemple de l'état d'esprit de beaucoup trop de chefs : ils prennent des décisions insensées et en font porter la responsabilité aux électrons libres que sont les Voyageurs. Concernant l'alliance élémentaire, je déduis de ton trouble que tu les tiens en très haute estime. Sais-tu au moins combien de Voyageur de ton royaume sont morts au combat afin que ton seigneur puisse conserver son trône et sa réputation ? Sais-tu ce qui arrive aux Voyageurs de ton royaume ou des autres royaumes élémentaires qui refusent catégoriquement de servir leur seigneur ? Ils meurent, dans beaucoup de cas. Dans d'autres cas, ils sont torturés jusqu'à ce qu'ils finissent par jurer allégeance. Un ami à moi, qui a rejoint les météors, a été torturé pendant bien des nuits par Béhémus avant de finalement parvenir à s'enfuir. Il souhaite à présent prendre sa revanche. Concernant les créatures des rêves, peut-être as-tu entendu parler de Perte et du royaume crystal qui vivent dans la crainte du royaume des glaces et souffrent de la tyrannie de Frost ?

Le masqué fit une pause dans son monologue, afin de permettre au contrôleur de digérer la quantité d'informations qu'il venait de lui servir.

- Quant à mon seigneur cauchemar et à mon royaume, ils ne font pas partie de l'alliance élémentaire mais m'ont tout de même marqué de leur empreinte : durant ma première nuit à Dreamland, mon seigneur cauchemar s'est amusé à faire fondre mes chairs et, son pouvoir étant d'origine obscure, j'en ai souffert pendant deux années jusqu'à ce que mon pouvoir soit suffisamment puissant pour que je puisse me soigner. Mais je ne dis pas qu'il n'y a que l'alliance élémentaire qui tue des gens. Les météors aussi le font, et sont loin d'être des enfants de coeur. Cependant, tout est question d'équilibre : la puissance des seigneurs est bien trop élevée par rapport à celle des voyageurs et il faudrait que cela cesse. Et toi, que penses-tu de tout cela ? Pourquoi sembles-tu décidé à rejoindre l'alliance élémentaire ? Pourquoi vouloir tuer d'autres Voyageurs si leur désir est de vivre sans entraves, libres de leurs choix et de leurs décisions ?

Le Sphinx était curieux d'entendre la réponse que le contrôleur de foudre allait lui donner.

JOUR 11 – 17h45 (heure onirique)

La réponse de Yuke ne tarda pas. Il semblait penser que le but des météors et le but du Sphinx étaient les mêmes, ce qui n'était pas vrai : il avait mal compris le discours du masqué qui s'était contenté d'annoncer ses motivations et non celles du groupe dont il était membre et qui avait des désirs plus extrêmes tels que l'annihilation de tous les seigneurs.

Ce que Yuke disait pouvait également s'appliquer à l'alliance élémentaire : il semblait croire que Voltera et ses camarades s'imposaient des limites et ne désiraient que l'égalité pour tous, dans le but qu'il n'y ait plus de guerres. L'argumentation du jeune contrôleur de foudre reposait sur le fait que, s'il n'y avait plus de guerres, il n'y aurait plus par extension de voyageurs et de créatures prises pour des pions.

En gros, il pensait que si on donnait à Voltera et à ses alliés ce qu'ils voulaient, ils arrêteraient de se comporter en tyrans. C'était très utopique et irréaliste, du point de vue du masqué.

* Lorsqu'on donne à un enfant gâté ce qu'il désire, il ne cesse pas pour autant de faire des caprices. Il finit par considérer ce qu'on lui a donné comme acquis et en demande davantage... *

Le royaume de la foudre avait un jour été un royaume plus petit que son seigneur avait aggrandi par le biais de manigances et de guerres. Ces êtres-là ne s'arrêteraient jamais de convoiter ce que possèderont leurs prochains. Lorsqu'ils auront conquis le royaume obscur, comment les membres de l'alliance élémentaire comptaient-ils partager le royaume ? À parts égales ? Eh bien certainement pas, les instigateurs de l'alliance prendraient certainement les plus grosses parts et certains s'en satisferaient tandis que d'autres deviendraient jaloux et se mettraient de nouveau à déclencher de nouvelles guerres. En supposant, bien sûr, que les royaumes élémentaires se contentent de leurs trésors de guerres et ne se mettent à lorgner sur les royaumes voisins que leur puissance pourrait aisément écraser...

La politique, dans le monde réel comme à Dreamland, était un sujet sur lequel il était difficile de tomber d'accord même après une solide argumentation et le masqué n'avait pas le temps (ni l'envie) de convaincre le futur membre de l'alliance élémentaire. Le Sphinx se contenta d'acquiescer silencieusement, sans expliquer à Yuke ce qu'il pensait réellement.

Ils finirent par arriver dans une station aussi large que celle du GDT et totalement désaffectée. Yuke s'assit sur le quai tandis que le faux bambin agissait plutôt étrangement, jetant des regards dans toutes les directions comme s'il cherchait quelque chose.

- J'ai bien une idée : je vais voler jusqu'à la voûte, à l'endroit où elle est suffisamment épaisse pour que cela ne fragilise pas la structure, et je vais creuser une petite cavité dans laquelle on l'enfermera. Ainsi, il ne pourra pas s'échapper sous risque de chuter et sera hors de portée des créatures qui pourraient venir du tunnel non bouché.

L'idée ne semblait pas plaire au GDT qui se mit à trembler de tous ses membres tout en secouant la tête dans tous les sens.

- Non ! Ne me laissez pas ici, s'il vous plait ! Cette station n'est pas sûre... Je ne sais pas ce qu'il s'y passe mais tous les Exterminateurs que j'y ais envoyé ne sont jamais revenus... Rebroussons chemin et laissez-moi en plein milieu du tunnel, s'il vous plait ! Je préfère encore être dévoré par des papillons des profondeurs que de passer une journée entière dans cet endroit !

Oubliant toute prudence, le GDT se mit à courir, tentant de gagner la "sécurité" du tunnel dont ils venaient. Le masqué se tourna vers Yuke, pour voir si le contrôleur de foudre se dévouait pour aller le chercher, mais le jeune homme avait disparu.

* Il s'est déjà réveillé, le chanceux ! Il va falloir que je me dépêche...

Sans se soucier des jérémiades de la petite créature, il la rattrapa sans mal et vola jusqu'au plafond afin de mettre en place son plan. Une fois le bonhomme installé dans la paroi, le masqué lui conseilla de se taire et de ne pas faire de bruit s'il ne voulait pas attirer l'attention et survivre dans ce lieu qu'il qualifiait de maudit.

- Papa et maman ne vont pas tarder à revenir, mon grand !s'exclama ironiquement l'homme-papillon.

Puis il redescendit vers le sol d'où il scruta la pénombre, à la recherche d'un quelconque danger. La station n'avait rien de spécial hormis le fait qu'elle semblait beaucoup plus ancienne que les autres parties du métro, du fait de la couleur de son béton qui était beaucoup plus terne et dont les granulats se déchaussaient légèrement, laissant apparaître des fissurations superficielles.

Quel pouvait-être le problème ?

Le Sphinx se réveilla bien avant de pouvoir trouver la réponse à cette question, laissant tout seul l'ancien dictateur de la Cité, qui tremblait comme une feuille.