Dr Munroe |Alone|

Fonctionnement:

Après l'incroyable et très étrange nuit qu'il avait passé, il était assez difficile de se lever et d'aller en cours pour Peter. La sensation la plus bizarre était sans nul doute l'instant « T » du réveil, car c'est là la frontière entre le monde réel et Dreamland.
Malgré le manque d'entrain qu'il avait, Peter Jr. Fut rapidement enthousiaste à l'idée de cette belle journée qui commençait, car il savait qu'en fin de journée, au moment de s'endormir, il rejoindrait à nouveau le monde onirique. Il ignorait encore beaucoup des règles et des coutumes de ce monde, il n'avait même jamais rencontré personne d'autres que cette petite créature fantastique, une pierre humanoïde. Sur le chemin de son université, il pensait encore à tout ce que lui avait dit l'homme-caillou ; il n'était même pas sûr que tout ce qu'il avait rêvé n'était pas simplement dans sa tête et que cela n'était qu'un rêve ordinaire ; mais un détail l'arrêta dans sa réflexion, un détail ayant son importance. Il ne tremblait plus. Depuis maintenant plus de dix ans, il devait prendre chaque jour des comprimés pour stabiliser ses tremblements et là, sur le chemin de l'école, plonger dans une profonde réflexion, il avait oublié de les prendre et il ne tremblait pas ! Pendant une seconde tout au plus, il avait songé à repartir à la maison pour prendre ces médicaments et s'assurer que ses mains resteraient immobiles toute la journée, mais l'instant d'après, il gagnait en assurance et continuait à marcher vers le campus. Il était à présent persuadé que cette nuit, il avait été ailleurs, il avait été à Dreamland et que Dreamland existait !


Après sa journée de cours, le jeune White retrouvait le chemin emprunté dans la matinée pour se rendre chez lui. Arrivé à cent mètre de son quartier, il bifurquait sur une rue descendant vers les quais de la ville. Le soleil était encore bien haut dans le ciel, il était à peine 17 heure tout au plus. C'était l'heure de son rendez-vous chez le psy. Peter n'affectionnait pas particulièrement l'idée de consulter un psychologue pour des problèmes de tremblements depuis dix ans, mais les séances de discutions avec le Docteur Munroe lui insufflaient l'équilibre dont il manquait parfois. C'était un homme attachant ce Dr Munroe, une personne attentive et de bon conseil. C'est pourquoi, Peter souhaitait partager sa grande découverte avec lui en premier lieu. Il voulait lui dire que toute sa psychose stéréotypée du tremblement était passéé à la trappe suite à son premier voyage à Dreamland, le monde onirique. Il voulait lui raconté comment il avait combattu son démon, comment il avait gagné et comment il avait ensuite découvert le royaume des doutes de Dreamland. Il voulu lui dire qu'un homme-pierre l'avait accueillit et qu'il lui avait expliqué bon nombre de chose sur le fonctionnement de Dreamland.

Le Docteur Munroe accueillit le jeune White dans son cabinet de manière chaleureuse comme à son habitude et l'invitait à s’asseoir dans un fauteuil face au sien.

- « Eh bien Peter, j'imagine que tu as plein de choses à me raconter. Une semaine s'est écoulé depuis le dernier rendez-vous. » avançait le Dr Munroe.

Toutes sortes d'idées et de questions tournaient dans la tête du jeune White et furent soudain pulvérisées par une question qui devint rapidement plus importante que toutes les autres : Peut être que le Docteur Munroe était lui-même un voyageur et si c'était le cas, il était peut être idiot, dangereux, ou inopportun de lui parler de ce qu'il sait déjà, voir même de ce qu'il veut savoir pour nuire à d'autres voyageurs ? Et s'il ne savait rien de Dreamland, était-il permis d'en parler ? La capacité de voyager à Dreamland serait-elle retiré à Peter s'il divulguait quelques chose d'interdit ? Peter répondit simplement :

« J'ai encore fait le rêve, le même qu'à chaque fois. »
« Raconte-moi Peter. » demandait le psychiatre.

Le jeune homme sortait alors son carnet à rêve et lui racontait alors la version censurée de son rêve, cette version qu'il avait déjà raconté milles fois. Il racontait ce fameux rêve où il avait été anéanti par la peur en s’arrêtant juste avant qu'il ne parvienne à affronter sa faiblesse et à la vaincre.

« Tu n'as rêvé de rien d'autres ? » demanda le docteur, avec un air intrigué.

Peter faisait convergé toutes les informations de son cerveau en un point centrale pour toutes les analyser au plus vite et formuler une réponse convaincante et appropriée. Il était alors tiraillé entre garder les silence et tout déballé à son médecin, se libérer de la pression et partager son expérience merveilleuse. Il expira un peu plus fort et lança :

- « Rien. »

Comme chaque semaine, Peter avait rendez-vous chez le Docteur Munroe pour discuter de tout ce dont voulait parler le jeune homme. Autrefois terriblement affecté par ses tremblements et toutes les moqueries qui s'en découlaient, il avait maintenant appris à maitriser sa peur de trembler et les vibrations en elles-mêmes. Et ça, depuis qu'il était vaincu son pire cauchemar dans un rêve, à Dreamland.

« Bonjour Peter, comment vas-tu aujourd'hui ? » amorçait le médecin.
« Bien merci et vous doc ? » répondait Peter.

Bien des docteurs n'auraient pas accepté que l'on s'adresse à eux comme cela, c'est gens là aiment qu'on les respectent, qu'on les mettent sur des podiums et qu'on les admirent. Docteur Munroe n'était pas de ceux-là, il trouvait que la proximité avec ces patients et la confiance apportaient de bien meilleurs résultats, c'était un bon psy !

« Je ne peux que me réjouir de te voir ainsi ! Ta mère m'a appelé hier, elle m'a dit que tu avais arrêté de prendre ton traitement pour les tremblements et que tu ne tremblais pourtant plus. » interrogeait le doc.
« Oui, j'ai arrêté les calmants. J'en ai plus besoin, j'ai arrêté de trembler. »
« Excellente nouvelle mon garçon ! Et à quoi expliques-tu cela ? » demandait le médecin tout à fait excité et ravis de la bonne nouvelle.

A ce moment-là, le jeune White eut de nouveau une tentation extrême de dire toute la vérité sur Dreamland et sur ses premiers voyages dans le monde onirique. Il n'avait pas oublié ces réserves de la dernière séance, mais il se sentait un peu plus confiant et capable. Il se décida d'expliquer un peu plus, sans s'exposer à une quelconque difficulté.

« J'hésitais à en parler la dernière fois, je ne savais pas comment l'aborder. Tout ça, c'est le résultat d'un rêve. Le rêve en fait ! Le même que celui que je raconte depuis des années à nos rendez-vous. Je n'avais jamais réussi à le terminer, mais la semaine dernière, j'ai achevé ce rêve et j'ai vaincu ma peur. Je ne peux pas l'expliquer autrement. » expliqua le jeune homme.
« S'il te plait Peter, racontes le moi. Entièrement cette fois ! »

Peter prit la décision de dévoiler son premier combat à Dreamland, celui qui lui avait offert l'accès au monde des rêves, sans pour autant dévoiler à aucun moment sa faculté à voyager dans un monde onirique. Le moment n'était pas encore venu pour qu'il se dévoile entièrement. Il terminait son récit par une petite analyse visant à brouiller la piste de Dreamland et rapportant tout ceci à une explication rationnelle et très terre-à-terre.

« J'imagine que mon conscient et mon subconscient bataillaient depuis longtemps pour me permettre de résoudre ce problème que je trimbalais depuis des années. Ils ont fini par s'affronter pour finalement livrer une réponse unanime. Qu'est-ce que vous en pensez doc ? »
« Eh bien je pense que le monde des rêves est mystérieux et fascinant Peter et que beaucoup de choses inexplicables, à mon grand regret, se déroulent pendant notre sommeil. Vois ton esprit et ton corps comme deux montagnes voisines, deux montagnes à la fois si proches et si lointaines, qui se crient dessus à longueur de journée et de nuit. Elles ne se comprennent pas, elles se détestent même et ont arrêté de s'écouter. Mais elles oublient qu'elles ont un jour fait partie d'un seul et unique bloc de pierre qui fut érodé par les écoulements au fil des âges. Et bien, je crois que cette nuit-là, les deux montagnes, ton corps et ton esprit, se sont souvenu de cela. » livrait le docteur Munroe.
« Telles que vous les présentez, ces montagnes jouissent de la même faculté à évoluer dans un environnement et à prospérer dans celui-ci. Pensez-vous qu'il soit possible de vivre dans l'esprit comme on vit dans nos corps ? » avançait timidement le jeune homme.

En posant cette question, il écartait toute forme de soupçons autour de lui et renvoyait la balle vers son médecin qui allait maintenant dévoiler sa versions des faits. S'il en connaissait l'existence, Munroe ne pourrait pas ne pas parler de Dreamland. En tout cas, c'était ce qu'espérait Shiver.

« Bien des hommes y ont cru ! Mais moi je l'ignore Peter. J'ignore si nous pouvons évoluer dans des environnements développés par l'esprit. Mais quand on écoute ton rêve, tout porte à le croire ! » terminait le médecin en souriant affectueusement à son patient.

Peter resta silencieux, songeur.